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MUSIQUES D’HIER ET DE DEMAIN

aussi, quels beaux accents d’humanité, faisant pardonner des formules qui peuvent déparer Guillaume Tell, mais non le tuer !

Ce sont cependant ces formules qui, emplissant tant d’autres œuvres du maître italien, œuvres aujourd’hui défuntes et oubliées, ont exercé sur une masse de compositeurs, pendant des années et des années, l’influence déplorable que l’on sait. Ceux qui, sans scrupule, se les appropriaient, parce qu’elles étaient à la mode, croyaient triompher des braves gens qui avaient de moins basses ambitions. Que reste-t-il des premiers, et de quelle sorte l’effort des seconds a-t-il abouti ? Je ne citerai que Berlioz qui, pour s’être refusé à subir le joug du conquérant, fut bafoué, insulté et entra dans la gloire. Il en sera toujours de même et aussi longtemps que le monde sera monde, les créateurs seuls survivront. Créateur, Rossini le fut indubitablement et par ses qualités et par ses défauts. Ses deux créations, où les qualités ont primé les défauts, où le génie a eu raison du métier, survivront donc. Si l’éternelle douleur crie et se révolte dans Guillaume Tell, l’éternelle gaieté rit et se moque dans le Barbier de Séville. Ici et là se meuvent des êtres particuliers, privilégiés, nés de l’émotion momentanée, de la fantaisie changeante de l’artiste qui, pour les concevoir, a su