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MUSIQUES D’HIER ET DE DEMAIN

Saintes Femmes au pied de la croix ; dans le douloureux duo gémissant des deux Marie au sépulcre. Elle n’est pas sans languir, cependant, en la première partie, trop vide, où la personnalité du musicien demeure incertaine, où l’inspiration reste intermittente. Mais le long épisode de la résurrection, celui du triomphe contiennent d’assez nombreuses beautés. Avec une extraordinaire largeur, les voix d’en haut clament l’Alleluia grégorien ; Marie-Magdeleine pleure et cherche celui qu’elle aima. Et les deux anges, en leur chant puéril, l’interrogent : « Femme, pourquoi pleures-tu ? » Et, près d’eux, Jésus doucement lui parle : « Femme, pourquoi pleures-tu ? Qui cherches-tu ? » Ah ! le cri qu’elle pousse alors, le cri de joie, de passion et d’enthousiasme, savez-vous bien que c’est un des plus magnifiques, des plus admirables cris de théâtre que l’on ait jamais notés ? Je comprends qu’il se soit répercuté au fond de toutes les âmes. On le voit : la religion de don Lorenzo Perosi est une religion de tendresse, de pitié, de bonté et d’humanité ; nul artiste, digne de ce nom, qui, dans la grande église de la nature, ne la pratique fidèlement. C’est, en somme, la religion de la vie, de la vie telle que le Créateur nous l’a faite, et, à y réfléchir, l’abîme qui sépare le jeune prêtre des compositeurs