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MUSIQUES D’HIER ET DE DEMAIN

et revint à toutes les soirées suivantes. Il n’empêcha pas l’ouvrage d’être froidement accueilli, et, bien que Berlioz eût eu pendant quelques heures l’illusion d’une réussite, le massacre de la partition s’acheva. Chaque jour, on supprima une chose qui, prétendait-on, déplaisait au public, on infligea au malheureux le pire des supplices, et comme, devant une salle à moitié vidé, on lui faisait l’aumône, montrant les rares spectateurs, de ces mots de consolation : « Eh ! eh ! ils viennent, ils viennent… » on l’entendit qui répondait : « Oui, oui, ils viennent, mais moi, je m’en vais. »

Pourtant, Berlioz ne mourut pas aussitôt. Son premier soin, en sortant de ce cauchemar, fut de remettre en ordre le manuscrit des Troyens, saccagé par les ciseaux et le crayon bleu, « dépecé, disait-il, comme le corps d’un veau sur l’étal d’un boucher, et dont on débite des fragments comme on vend de petits morceaux de mou pour régaler les chats des portières ! » Chaque coupure qu’il laisse facultative, espérant encore qu’elle pourra servir à un autre théâtre, lui arrache des cris de douleur, ainsi qu’en témoignent des notes de ce genre, celle-ci, par exemple, à propos de la Chasse et de l’Orage : « Si les pompiers avaient peur du feu, les machinistes peur de l’eau, les directeurs peur de tout, on