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TANNHÄUSER

l’orchestre, frénétiquement et pacifiquement soulève le Monde en l’hosanna victorieux et miraculeux du chant des pèlerins et jugez-la vous-même, sans tarder, cette œuvre dont l’ouverture, de splendeur prodigieuse, de classique pureté musicale, résume avec la plus foudroyante éloquence symphonique l’esprit, le style, la philosophie et l’action.

Or donc, le chanteur-poète Tannhäuser, délaissant les concours et les joutes austères, a fui la Wartburg. Le voilà au fond des abîmes du Vénusberg, la montagne maudite des perditions païennes, endormi dans les bras de Vénus. Pendant son sommeil, que berce le chœur invisible des sirènes, une pantomime se joue : enlacement des bacchantes et des satyres, des nymphes et des faunes ; accouplement des Grâces et des Amours pour l’évocation féerique d’Europe et de Léda. Cette admirable pièce descriptive, qui développe quelques-uns des motifs de l’ouverture et dont les autres thèmes font déjà pressentir Tristan, a été entendue maintes fois dans les concerts. Avec la scène suivante, elle forme le premier tableau, musicalement, l’un des plus remarquables de l’ouvrage. Aux sons lointains des cloches chrétiennes, vibrations de rêve, Tannhäuser s’est soulevé sur sa couche. Il veut fuir le Vénusberg, car il est las des