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TANNHÄUSER

et surtout la constante musicalité des scènes qui composent la seconde partie de Tannhäuser.

La troisième est une des plus émouvantes, des plus poignantes choses que Wagner ait écrites. La morne tristesse de l’automne enveloppe maintenant le val. Agenouillée au bord de la route, dans le crépuscule, Élisabeth attend le retour des pèlerins. Au loin, leur chant s’élève déjà ; les pardonnes s’approchent, passent et s’éloignent, et Tannhäuser n’est pas avec eux. Alors la jeune fille, devenue sainte, offre sa vie à la Vierge en rachat de l’àme coupable, et, sous la nuit qui vient, monte lentement la colline, s’immatérialise et disparaît, blancheur évaporée dans le noir tombant. Une étoile brille au ciel, et Wolfram la salue en une mélodie de tendresse qui est l’adieu et le renoncement suprêmes.

Défiguré, couvert de boue, les vêtements en lambeaux, Tannhäuser paraît. Il raconte l’effroyable pèlerinage, ses amertumes et ses tortures, et je crois bien que jamais la douleur humaine n’a été exprimée avec une pareille éloquence. Car, seul, il ne fut point absous. De même que le bois mort de la crosse sacerdotale ne peut reverdir, l’âme damnée ne refleurira pas. Eh bien, puisque Dieu le repousse, il ira à Vénus, qui, là, dans les ténèbres mystérieuses,