Page:Brunet - Le mariage blanc d'Armandine, contes, 1943.djvu/61

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monsieur Lapointe n’aimait pas d’attendre au coin des rues.

— On sait jamais, il y a tant de mauvais garnements. Le père Sirois…

Je n’écoutais plus, lorsqu’il me dit :

— Pensez que nos femmes nous attendent !

— Je ne suis pas marié. Vous l’êtes ?

— Tiens, cette affaire ! Je suis marié, mais je n’ai pas d’enfants.

Il prononçait ces derniers mots avec une fierté bizarre. Tout à coup, monsieur Lapointe prit pour moi une importance inquiétante, voire un peu faunesque. Il riait drôlement. J’attendais quelque grivoiserie, que, sans doute, son bon ange retint. D’autant que presque tout de suite, il ajouta :

— Je vais à la messe tous les matins, vous savez, et je communie, excepté le samedi, parce que les vendredis soirs, on veille tard, on a l’estomac creux. Il faut bien prendre une bouchée…

Tiens ! Je n’avais pas vu manger monsieur Lapointe. Comment monsieur Lapointe mangeait-il ? Surtout, lorsqu’il mangeait, quelle était l’attitude de son binocle ? Il est vrai qu’aujourd’hui son binocle n’était plus qu’un