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ÉTUDES CRITIQUES.

en amateur des grâces et de la beauté », oubliant que les femmes « contribuent essentiellement à la célébrité. » Je reconnais là mon Marmontel, et je reviens donc à ses « histoires de femmes ».

Ce ne sera pas du moins sans avoir protesté contre la singulière fantaisie dont, un Jour, il y a bien longtemps, s’avisa l’auteur des Causeries du lunch. Sainte-Beuve, qui aimait, on le sait, à rapetisser les grands hommes, avait au contraire plus que de l’indulgence, et vraiment de la tendresse d’âme, pour les écrivains recommandables et distingués du second ordre. Il s’est donc plu à louer Marmontel, non seulement ses Mémoires, mais ses Eléments de littérature, mais ses Contes moraux ; et il n’a pas tenu à lui qu’on inscrivît ce soupeur au « premier rang des bons littérateurs du xviii’^ siècle », immédiatement au-dessous de Voltaire, à côté de Chamfort ou de Rivarol. C’est lui faire trop d’honneur, et, si ce n’étaient ses Mémoires, Marmontel n’existerait pas. Encore n’est-ce pas lui qui nous intéresse dans ses Mémoires, ou du moins n’est-ce pas en lui l’homme de lettres, mais « l’homme du monde » ; et j’admire que Sainte Beuve ne l’ait pas mieux vu ni plus franchement dit. Ce qu’il faut en effet reprocher à Marmontel, ce n’est pas seulement de n’avoir pas aimé les lettres, ou de n’en avoir usé que comme d’un moyen de fortune, mais, pour autant qu’il était en lui, c’est d’avoir compromis la dignité de l’homme de lettres, en en faisant l’amuseur ou le complaisant des femmes et des gens du monde. Il y en aura toujours de cette espèce. Mais pourquoi les reconnaîtrions nous comme nôtres ? et si d’ailleurs, comme à Marmontel,