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HISTOIRE DE LA LITTÉRATURE FRANÇAISE CLASSIQUE

Je La Bruyère et de Biiyle, nous pouvons en conclure que, d’une manière générale les contemporains et les successeurs de Molière, tout en rendant hommage îi son génie, ont juge qu’il « écrivait mal » ; — ou tout au moins qu’il n’écrivait pas bien.

Ces jugements embarrassèrent fort les critiques du xix siècle, habitués h vénérer Molière comme un demidieu littéraire et comme un héros national. Les plus timides essayèrent de la conciliation, montrant qu’au xvin" siècle « barbarisme » signifiait « solécisme » et tâchant de donner au mot de « galimatias » un sens qui ne fût pas trop défavorable. De plus hardis convinrent du fait, mais l’excusèrent aussitôt par les nécessités du théâtre. Enfin en 1882, Scherer reprit, en l’appuyant des citations, le jugement consacré. Les Moliéristes alors se fâchèrent tout rouge, et s’ils ne demandèrent pas la tète du sacrilège, il s’en fallut de peu.

Le sujet est donc important, et mérite un examen approfondi. Il faut bien qu’il y ait des questions de principes engagées dans le procès qu’on fait au style de INIolière : car pourquoi ne fait-un pas du style de Racine ou de La Fontaine des critiques analogues ?

Faisons d’abord quelques observations préjudicielles. Toutes les critiques adressées à Molière sur ce point sont d’une époque où la notion de style est déterminée beaucoup plus étioitoment qu’au temps de Molière lui-même. En 1660, les grands écrivains ont l’instinct du style. En i680, en grande partie à cause du travail accompli et des exemples donnés par les grands écrivains classiques, les procédés du style sont catalogués. Bayle les connaît, La Bruyère les applique, et Fénelon, qui est né en