Aller au contenu

Page:Brunot - Histoire de la langue française, des origines à 1900 — Tome 4, Première partie, 1939.djvu/161

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

CHAPITRE VIII

LA DIFFUSION DE L’ORTHOGRAPHE
L’ORTHOGRAPHE ET L’ENSEIGNEMENT

C’est ici le moment de montrer quand, comment et pourquoi la connaissance de l’orthographe a commencé à se répandre. La question est fort obscure ; on s’en rend d’autant mieux compte qu’on s’est donné plus de peine pour étudier ce qu’étaient les petites écoles de cette époque. J’aurai à reparler de ces écoles par la suite[1]. Mais en tous cas, qu’il s’agisse des écoles des chantres et écolâtres, des écoles dites de charité, des écoles fondées par des congrégations, tout le monde convient que l’objet essentiel de l’enseignement était l’instruction religieuse, et que, si on apprenait assez généralement à lire, on apprenait beaucoup moins régulièrement à écrire.

D’abord une corporation jeune, mais puissante à divers endroits, avait fait son possible pour garder le monopole de l’enseignement de l’écriture, c’étaient les écrivains jurés. Après avoir habilement manœuvré, ils étaient parvenus, en 1570, à former une corporation, non régulière encore, mais avec laquelle il fallait compter. Chargée de la vérification des écritures litigieuses, ils eussent bien voulu l’être de l’enseignement de l’écriture. Dans certains pays, comme Rouen, ils étaient à peu près parvenus à leurs fins[2]. À Laval, ils paraissent aussi avoir été nombreux, et assez forts pour obtenir la modification d’un règlement d’écoles, qui instituait l’enseignement de l’écriture et nuisait à leur privilège[3]. Ailleurs, à Montfort l’Amaury par exemple, on les voit s’associer à un maître d’école pour tenir une école[4].

  1. Voir plus loin, au chapitre : Le Français et l’enseignement.
  2. En 1625, ils font condamner une veuve qui enseigne à écrire à des enfants. Un règlement de Georges II d’Amboise, daté de 1520, interdisait en effet aux ecclésiastiques d’enseigner l’écriture et l’arithmétique, hormis dans les villes où il n’y avait pas de maîtres jurés (Robil. de Beaurepaire, Rech. sur l’Inst. pub. dans le dioc. de Rouen, II, 275 et suiv.).
  3. V. Abbé Angot, Inst. populaire dans la Mayenne, Paris, Picard, 1890.
  4. Autre sentence dudit prévost, du 1er février l’an 1586, par laquelle exécutant ladite sentence de règlement, il aurait ordonné que Jacob Leblanc, escrivain, demeu-