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Page:Brunschvicg - L'expérience humaine et la causalité physique, 1922.djvu/168

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sont entre eux dans le même rapport[1]. » De la part d’Aristote, du moins, il ne semble pas qu’un pareil passage implique un aveu d’anthropomorphisme. La considération de l’œuvre d’art et de sa fabrication ne fera que préparer du dehors les cadres pour l’intuition de l’être vivant, qui seule, du point de vue aristotélicien, a une valeur intrinsèque et objective. Sans doute on peut découvrir une continuité de gradations insensibles entre l’œuvre de la nature et l’œuvre d’art. Mais, alors même que l’art cesse d’imiter la nature, qu’il s’efforce de terminer ce que la nature a laissé imparfait[2], la nature l’emporte sur l’art. Ce n’est pas seulement pour une raison de fait, parce que finalité et beauté se manifestent dans les œuvres de l’art[3] ; c’est pour une raison intime, parce que dans la nature la forme et la fin ne sont pas séparées de la matière. Quand le médecin se soigne lui-même (et c’est là suivant Aristote l’exemple le plus propre à donner une idée exacte de la nature[4]), les quatre causes se trouvent sans doute réunies, mais ce n’est là qu’une rencontre accidentelle. Au contraire, dans le vivant, se rencontrent normalement la cause motrice, la forme, la fin, trois causes qui en réalité n’en font qu’une[5], agissant sur la matière propre de l’être[6], sans médiation et sans délibération. Le processus spontané qui de lui-même s’oriente vers l’accomplissement de la forme, définit la nature elle-même : ἡ φύσις ἡ λεγομένη ὡς εσις ὁδός ἐστιν εἱς φύσιν, τὸ φυόμενον ἐκ τινὸς εἱς τὶ ἔρχετατ ἢ φυεται[7].

  1. II, 8, 198 a 17, trad. Hamelin, op. cit., p. 27.
  2. Phys., II, 8, 199 a 15 : ὃλςῶ δὲ ἡ τέχνη τὰ μὲν ἐπιτελεῖ ἃ ἡ φύσις ἀδυνατεῖ ἀπεργάσασθαι, τὰ δὲ μιμεῖται εἰ οὖν τὰ κατὰ τὴν τέχνην ἕνεκά του, δῆλον ὁτι και τὰ κατὰ τὴν φύσιν.
  3. De Part, anim., I, 1, 639 b 15.
  4. Phys., II, 8, 199 b 28 : καὶ γὰρ εἰ ἐνῆν ἐν τῷ ξύλῳ ἡ ναυπηγική. ὁμοἰως ἄν φύσει ἐποίει ωστ’ εἰ ἐν τῇ τέχνη ἔνεστι τὸ ἔνεά του, καὶ ἐν φύσι. Μάλιστα δἐ δῇλον, ὅταν τις ἰατρεύη αύτὸς έαύτν τούτῳ γὰρ ἔοικεν ἡ φύσις.
  5. Phys., II, 7, 198 a 24 : ἔρκεται δἐ τἀ τρία εἰς τὸ νἔ πολλάκις’ τὸ μέν γὰρ τι ἐστι καὶ τὸ οὖ ἕνεκα ἕν εστὶ, τὸ δ ’ὅθεν ἡ κίνησις πρῶτον, τῷ εἴδει ταύτο τούτοις. ἄνθρωπος γὰρ ἄνθρωπον γεννᾶ.
  6. De Part an., I, 1, 642 a 17 : ἀρκχὴ γὰρ ἡ φύσις μᾶλλον τῆς ὕλης. — Phys., II, 1, 192 b 20 :  ; οἤσης γὰρ φύσεως ἀύρχῆς τινὸς καὶ αἰτἰας τῆς κινεῑσθαι καὶ ἠρεμεῖν ἐν ᾧ ὑπάρχει πρώτως καθ’ αὑτὸ καὶ μῂ κατὰ συμβεβηκὀς. De Part an., I, 1, 640 b 28 : ἡ γὰρ κατὰ τῆν μορφὴν φύσις κυριωτέρα τῆς ὑλικῇς φύσες. Cf. Zeller, op. cit., p. 386, n. 6.
  7. Phys. II, 1, 193 b 12 et 17.