Aller au contenu

Page:Brunschvicg - L'expérience humaine et la causalité physique, 1922.djvu/277

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des géométries non euclidiennes. Et de l’identité des termes de l’alternative résultera l’identité de la solution (ou, plus exactement peut-être, de l’apparence de solution) vers laquelle penchera la préférence des savants.

Ici encore, d’Alembert est pour nous le témoin le plus précieux à consulter. « Pourquoi donc, demande-t-il dans la Préface de son Traité de Dynamique (1743), aurions-nous recours à ce principe dont tout le monde fait usage aujourd’hui, que la force accélératrice ou retardatrice est proportionnelle à l’ « élément de la vitesse » ; principe appuyé sur cet unique axiome vague et obscur, que l’effet est proportionnel à sa cause. Nous n’examinerons point si ce principe est de vérité nécessaire ; nous avouerons seulement que les preuves qu’on en a données jusqu’ici ne nous paraissent pas fort convaincantes : nous ne l’adopterons pas non plus, avec quelques géomètres, comme de vérité purement contingente, ce qui ruinerait la certitude de la Mécanique et la réduirait à n’être plus qu’une science expérimentale ; nous nous contenterons d’observer que, vrai ou douteux, clair ou obscur, il est inutile à la mécanique, et que par conséquent, il doit en être banni[1]. » Toutefois, dans le corps même de l’ouvrage, il faut qu’il introduise l’équation , qui relie les temps et les vitesses ; il pose à nouveau le problème. La quantité est-elle « la simple expression du rapport de à  » ? N’est-elle pas quelque chose de plus ? Ne serait-elle pas, ainsi que le veulent la plupart des géomètres, « l’expression de la force accélératrice, étant constant ; tirant de là cet axiome général : que le produit de la force accélératrice par l’élément du temps est égal à l’élément de la vitesse… Pour nous, conclut d’Alembert, sans vouloir discuter ici si le principe est de vérité nécessaire ou contingente, nous nous contenterons de le prendre pour une définition, et d’entendre par le mot de force accélératrice la quantité à laquelle l’accroissement de la vitesse est proportionnel ». (Ed. 1758, p. 25.)

Un tel expédient permet d’exposer le contenu de la science, mais non de déterminer la valeur de ce contenu, d’en fixer l’équilibre ; car une définition n’acquiert un sens que par le rapport établi entre le défini et le définissant. Or, il s’agit de savoir en quoi consiste ce rapport dans la définition formulée par d’Alembert. Une fois que l’on se pose la question, les difficultés que l’on s’était un moment flatté d’éviter, vont reparaître, et nous n’avons là-dessus qu’à enregistrer les décla-

  1. Préface (1745) p. XII, et Discours préliminaire de la 2e Édition (1758) p. XII.