Page:Brunschvicg - L'expérience humaine et la causalité physique, 1922.djvu/367

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velle, Lamé l’oppose à « l’hypothèse impuissante et stérile des forces centrales » ; il y voit la condamnation de la mécanique physique, telle qu’elle était préconisée au début du xixe siècle, de cette « extension, au moins prématurée, sinon fausse, des principes et des lois de la mécanique céleste ». (Ibid., II, 332.)

D’ailleurs, l’année 1850 avait apporté aux idées de Fresnel le surcroît de consécration qu’elles pouvaient encore souhaiter. Les efforts désespérés des mathématiciens newtoniens pour contester l’enseignement à tirer du phénomène des interférences, avaient amené à concevoir une autre sorte d’expérience, plus spécifiquement cruciale, si l’on peut ainsi parler, que celle de Young ; et ce fut celle que réalisa Foucault en mesurant la vitesse de la lumière dans l’air et dans l’eau : « D’après le système de l’émission, le changement de direction de la lumière [dans la réfraction] serait dû à une accélération subie à son entrée dans les milieux réfringents. Dans le système des ondulations, ce même changement de direction devrait coïncider avec un ralentissement dans la vitesse de propagation du principe lumineux. Frappé de cet antagonisme entre les deux systèmes, M. Arago déclare, en 1838, que l’un des deux succombera le jour où l’on constatera, par une expérience directe, dans quel sens se modifie la vitesse, lorsque la lumière pénètre d’un milieu rare dans un milieu plus dense, lorsqu’elle passe de l’air dans l’eau ou dans tout autre liquide. » Or, « l’expérience différentielle » sur les déviations de la lumière donne un résultat qui ne laisse aucun doute : « Toujours celle qui correspond au trajet dans l’eau se montre plus grande que l’autre, toujours la lumière se trouve retardée dans son passage à travers le milieu le plus réfringent. La conclusion dernière à ce travail, ajoute Foucault, consiste donc à déclarer le système de l’émission incompatible avec la réalité des faits[1]. »

161. — Les textes que nous venons de rappeler suffisent pour attester l’impression, donnée par l’optique de Fresnel vers le milieu du xixe siècle, que le débat historique soulevé par l’avènement du mécanisme cartésien est désormais tran-


    grande ou plus petite que dans le vide, et son élasticité suit les mêmes variations que celle des corps pondérables, c’est-à-dire qu’elle est constante dans les gaz, les liquides et les solides homogènes non cristallisés, mais varie avec la direction dans les cristaux dont la forme primitive n’est pas un polyèdre régulier. » (Cours de Physique de l’École Polytechnique, 2e édit., t. II, 1810, p. 326.) Sur la transformation de la notion d’éther après Fresnel, voir Duhem, l’Évolution de la mécanique, IV. Le Retour à l’Atomisme et au Cartésianisme, I. La mécanique de Hertz. Revue générale des Sciences, 15 mai 1903, p. 219, col. A.

  1. Sur les vitesses, relatives de la lumière dans l’air et dans l’eau, apud les Classiques de la Science. II, 1913, p. 43-44.