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Page:Brunschvicg - La raison et la religion, 1939.djvu/198

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LES DISGRÂCES DE l’ÉCLECTISME

de ce qu’il y avait de réellement solide, d’intrinsèquement consistant, dans l’édifice ancien ; il ne porte atteinte qu’aux infrastructures ou superstructures qui, avec l’apparence d’en rendre définitif et immuable le style architectural, en compromettaient effectivement l’équilibre.

Rien n’est plus significatif à cet égard que de reprendre, à presque deux siècles de distance, les exemples invoqués par Voltaire. L’établissement de la géométrie non-euclidienne, non seulement a laissé intacte l’œuvre d’Euclide, mais il a fait évanouir la difficulté à laquelle la géométrie euclidienne s’est heurtée pendant des siècles lorsqu’elle a prétendu s’ériger en un système fermé sur soi où les postulats spécifiques de sa constitution seraient démontrés à titre de propositions nécessaires et exclusives. De même, il ne suffit pas de dire que la théorie de la relativité généralisée conserve la mécanique céleste de Newton à titre d’excellente approximation ; il faut ajouter qu’elle surmonte le scandale de l’action à distance, signalé dès la première heure par Huygens et par Leibniz, et qui pesait comme une menace perpétuelle sur la positivité à laquelle Newton aspirait explicitement. Autrement dit, à chaque étape du développement des mathématiques et de la physique, l’esprit est tenté de mettre un terme à son inquiétude ; sur la base de la découverte récente s’établit donc une conception du monde et de la vie qui devait anticiper le cours des recherches futures. Et cependant il est toujours arrivé que ces recherches ont eu pour effet de briser les cadres dans lesquels on avait cru pouvoir enfermer l’essor du génie humain, auxquels on avait voulu borner l’horizon spatio-temporel ou la structure élémentaire de l’univers.

Le jugement de l’histoire se traduit par un discernement entre la fécondité du savoir proprement scientifique et une sorte d’inertie métaphysique qui en fixerait à jamais les contours, qui en amortirait l’élan, sous prétexte d’en déterminer les fondements.

À cet égard, le souvenir des quatre préceptes énumérés