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se forme un sédiment au fond ; lorsque, après avoir ramassé une assez grande quantité de rosée, on la laisse déposer et se corrompre, elle produit une espèce de limon qui tombe au fond du vase ; ce limon est même fort abondant et la rosée en produit beaucoup plus que l’eau de pluie, il est gras, onctueux et rougeâtre.

La première couche qui enveloppe le globe de la terre est composée de ce limon mêlé avec des parties de végétaux ou d’animaux détruits, ou bien avec des particules pierreuses ou sablonneuses : on peut remarquer presque partout que la terre labourable est rougeâtre et mêlée plus ou moins de ces différentes matières ; les particules de sable ou de pierre qu’on y trouve sont de deux espèces, les unes grossières et massives, les autres plus fines et quelquefois impalpables ; les plus grosses viennent de la couche inférieure dont on les détache en labourant et en travaillant la terre, ou bien le limon supérieur, en se glissant et en pénétrant dans la couche inférieure qui est de sable ou d’autres matières divisées, forme ces terres qu’on appelle des sables gras ; les autres parties pierreuses qui sont plus fines viennent de l’air, tombent comme les rosées et les pluies, et se mêlent intimement au limon ; c’est proprement le résidu de la poussière que l’air transporte, que les vents enlèvent continuellement de la surface de la terre, et qui retombe ensuite après s’être imbibée de l’humidité de l’air. Lorsque le limon domine, qu’il se trouve en grande quantité, et qu’au contraire les parties pierreuses et sablonneuses sont en petit nombre, la terre est rougeâtre, pétrissable et très fertile ; si elle est en même temps mêlée d’une quantité considérable de végétaux ou d’animaux détruits, la terre est noirâtre, et souvent elle est encore plus fertile que la première ; mais si le limon n’est qu’en petite quantité, aussi bien que les parties végétales ou animales, alors la terre est blanche et stérile, et lorsque les parties sablonneuses, pierreuses ou crétacées, qui composent ces terres stériles et dénuées de limon, sont mêlées d’une assez grande quantité de parties de végétaux ou d’animaux détruits, elles forment les terres noires et légères qui n’ont aucune liaison et peu de fertilité ; en sorte que, suivant les différentes combinaisons de ces trois différentes matières, du limon, des parties d’animaux et de végétaux, et des particules de sable et de pierre, les terres sont plus ou moins fécondes et différemment colorées. Nous expliquerons en détail, dans notre discours sur les végétaux, tout ce qui a rapport à la nature et à la qualité des différentes terres ; mais ici nous n’avons d’autre but que celui de faire entendre comment s’est formée cette première couche qui enveloppe le globe et qui provient du limon des eaux.

Pour fixer les idées, prenons le premier terrain qui se présente, et dans lequel on a creusé assez profondément, par exemple le terrain de Marly-la-Ville, où les puits sont très profonds ; c’est un pays élevé, mais plat et fertile, dont les couches de terre sont arrangées horizontalement. J’ai fait venir des échantillons de toutes ces couches que M. Dalibard, habile botaniste et versé d’ailleurs dans toutes les parties des sciences, a bien voulu faire prendre sous ses yeux, et, après avoir éprouvé toutes ces matières à l’eau-forte, j’en ai dressé la table suivante.