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entre les deux couches de charbon, ce qui suppose que l’eau amenait ensuite de quelque autre dépôt des matières végétales pour former la seconde couche de charbon. J’entends ici par couches la veine entière de charbon, prise dans toute son épaisseur, et non pas les petites couches ou feuillets dont la substance même du charbon est composée, et qui souvent sont extrêmement minces : ce sont ces mêmes feuillets, toujours parallèles entre eux, qui démontrent que ces masses de charbon ont été formées et déposées par le sédiment et même par la stillation des eaux imprégnées de bitume ; et cette même forme de feuillets se trouve dans les nouveaux charbons dont les couches se forment par stillation aux dépens des couches plus anciennes. Ainsi les feuillets du charbon de terre ont pris leur forme par des causes combinées : la première est le dépôt toujours horizontal de l’eau ; et la seconde, la disposition des matières végétales, qui tendent à faire des feuillets[1]. Au surplus, ce sont les morceaux de bois, souvent entiers, et les détriments très reconnaissables d’autres végétaux, qui prouvent évidemment que la substance de ces charbons de terre n’est qu’un assemblage de débris de végétaux liés ensemble par des bitumes.

La seule chose qui pourrait être difficile à concevoir, c’est l’immense quantité de débris de végétaux que la composition de ces mines de charbon suppose, car elles sont très épaisses, très étendues, et se trouvent en une infinité d’endroits : mais si l’on fait attention à la production peut-être encore plus immense de végétaux qui s’est faite pendant vingt ou vingt-cinq mille ans, et si l’on pense en même temps que l’homme n’étant pas encore créé, il n’y avait aucune destruction des végétaux par le feu, on sentira qu’ils ne pouvaient manquer d’être emportés par les eaux, et de former en mille endroits différents des couches très étendues de matière végétale ; on peut se faire une idée en petit de ce qui est alors arrivé en grand : quelle énorme quantité de gros arbres certains fleuves, comme le Mississipi, n’entraînent-ils pas dans la mer ! Le nombre de ces arbres est si prodigieux qu’il empêche dans certaines saisons la navigation de ce large fleuve ; il en est de même sur la rivière des Amazones et sur la plupart des grands fleuves des continents déserts ou mal peuplés. On peut donc penser, par cette comparaison, que toutes les terres élevées au-dessus des eaux étant dans le commencement couvertes d’arbres et d’autres végétaux que rien ne détruisait que leur vétusté, il s’est fait dans cette longue période de temps des transports successifs de tous ces végétaux et de leurs détriments, entraînés par les eaux courantes du haut des montagnes jusqu’aux mers. Les mêmes contrées inhabitées de l’Amérique nous en fournissent un autre exemple frappant : on voit à la Guyane des forêts de pal-

  1. Voyez l’expérience de M. de Morveau, sur une concrétion blanche qui est devenue du charbon de terre noir et feuilleté.