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trouve presque toujours au-dessous de ces mêmes bancs, et que dans une colline composée de vingt ou trente bancs de pierre, il n’y a d’ordinaire que deux ou trois bancs de marbre, souvent un seul, toujours situé au-dessous des autres, à peu de distance de la glaise qui sert de base à la colline ; de sorte que communément le banc de marbre porte immédiatement sur cette argile, ou n’en est séparé que par un dernier banc qui paraît être l’égout de tous les autres, et qui est mêlé de marbre, de pyrites et de cristallisations spathiques d’un assez grand volume.

Ainsi, par leur situation au-dessous des autres bancs de pierre calcaire, les bancs de ces anciens marbres ont reçu les couleurs et les sucs pétrifiants dont l’eau se charge toujours en pénétrant d’abord la terre végétale, et ensuite tous les bancs de pierre qui se trouvent entre cette terre et le banc de marbre ; et l’on peut distinguer par plusieurs caractères ces marbres d’ancienne formation : les uns portent des empreintes de coquilles dont on voit la forme et les stries ; d’autres, comme les lumachelles, paraissent composés de petites coquilles de la figure des limaçons ; d’autres contiennent des bélemnites, des orthocératites, des astroïtes, des fragments de madrépores, etc. : tous ces marbres qui présentent des impressions de coquilles, sont moins communs que ceux qu’on appelle brèches, qui n’offrent que peu ou point de ces productions marines, et qui sont composés de galets et de graviers arrondis, liés ensemble par un ciment pierreux, de sorte qu’ils s’ébrèchent en les cassant, et c’est de là qu’on les a nommés brèches.

On peut donc diviser en deux classes ces marbres d’ancienne formation : la première comprend tous ceux auxquels on a donné ce nom de brèches, et l’on pourrait appeler marbres coquilleux ceux de la seconde classe ; les uns et les autres ont des veines de spath, qui cependant sont plus fréquentes et plus apparentes dans les marbres coquilleux que dans les brèches, et ces veines se sont formées lorsque la matière de ces marbres, encore molle, s’est entr’ouverte par le dessèchement ; les fentes se sont dès lors peu à peu remplies du suc lapidifique qui découlait des bancs supérieurs, et ce suc spathique a formé les veines qui traversent le fond du marbre en différents sens ; elles se trouvent ordinairement dans la matière plus molle qui a servi de ciment pour réunir les galets, les graviers et les autres débris de pierre ou des marbres anciens dont ils sont composés ; et ce qui prouve évidemment que ces veines ne sont que des fentes remplies du suc lapidifique, c’est que dans les bancs qui ont souffert quelque effort et qui se sont rompus après le dessèchement par un tremblement de terre ou par quelque autre commotion accidentelle, on voit que la rupture, qui dans ce cas a séparé les galets et les autres morceaux durs en deux parties, s’est ensuite remplie de spath, et a formé une petite veine si semblable à la fracture, qu’on ne peut la méconnaître. Ce que les ouvriers appellent des fils ou des poils, dans les blocs de pierre calcaire, sont aussi de petites veines de spath, et souvent la pierre se rompt dans la direction de ces fils en la travaillant au marteau ; quelquefois aussi ce spath prend une telle solidité, surtout quand il est mêlé de parties ferrugineuses, qu’il semble avoir autant et plus de résistance que le reste de la matière.

Il en est des taches comme des veines, dans certains marbres d’ancienne formation : on y voit évidemment que les taches sont aussi d’une date postérieure à celle de la masse même de ces marbres, car les coquilles et les débris des madrépores répandus dans cette masse ayant été dissous par l’intermède de l’eau, ont laissé dans plusieurs endroits de ces marbres, des cavités qui n’ont conservé que le contour de leur figure, et l’on voit que ces petites cavités ont été ensuite remplies par une matière blanche ou colorée, qui forme des taches d’une figure semblable à celle de ces corps marins dont elle a pris la place ; et lorsque cette matière est blanche, elle est de la même nature que celle du marbre blanc, ce qui semble indiquer que le marbre blanc lui-même est de seconde formation, et a été, comme les albâtres, produit par la stillation des eaux. Cette présomption se confirme lorsque l’on considère qu’il ne se trouve jamais d’impression de coquilles ni d’autres corps