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rend pas opaque. Or, la transparence provient en partie de l’homogénéité de toutes les parties constituantes du corps transparent, et sa dureté dépend du rapprochement de ces mêmes parties et de leur cohésion plus ou moins grande : selon que ces parties intégrantes seront elles-mêmes plus solides, et à mesure qu’elles seront plus rapprochées les unes des autres par la force de leur affinité, le corps transparent sera plus dur. Il n’est donc pas nécessaire d’imaginer, comme l’ont fait les chimistes, une eau de cristallisation[NdÉ 1], et de dire que cette eau produit la cohésion et la transparence, et que, la chaleur la faisant évaporer, le corps transparent devient opaque et perd sa cohésion par cette soustraction de son eau de cristallisation. Il suffit de penser que, la chaleur dilatant tous les corps, un feu médiocre suffit pour briser les faibles liens des corps tendres, et qu’avec un feu plus puissant on vient à bout de séparer les parties intégrantes des corps les plus durs ; qu’enfin ces parties séparées et tirées hors de leur sphère d’affinité ne pouvant plus se réunir, le corps transparent est pour ainsi dire désorganisé et perd sa transparence, parce que toutes ses parties sont alors situées d’une manière différente de ce qu’elles étaient auparavant.

Il y a des plâtres de plusieurs couleurs. Le plâtre le plus blanc est aussi le plus pur, et celui qu’on emploie le plus communément dans les enduits pour couvrir le plâtre gris, qui ferait un mauvais effet à l’œil et qui est ordinairement plus grossier que le blanc. On connaît aussi des plâtres rougeâtres, jaunâtres, ou variés de ces couleurs ; elles sont toutes produites par les matières ferrugineuses et minérales, dont l’eau se charge en passant à travers les couches de la terre végétale ; mais ces couleurs ne sont pas dans les plâtres aussi fixes que dans les marbres : au lieu de devenir plus foncées et plus intenses par l’action du feu, comme il arrive dans les marbres chauffés, elles s’effacent au contraire dans les plâtres au même degré de chaleur, en sorte que tous les plâtres après la calcination sont dénués de couleurs et paraissent seulement plus ou moins blancs. Si l’on expose à l’action du feu le gypse composé de grandes lames minces, on voit ces lames se désunir et se séparer les unes des autres ; on les voit en même temps blanchir et perdre toute leur transparence. Il en est de même du gypse en filets ou en grains : la différente figure de ces stalactites gypseuses n’en change ni la nature ni les propriétés.

Les bancs de plâtre ont été, comme ceux des pierres calcaires, déposés par les eaux en couches parallèles, séparées par lits horizontaux ; mais, en se desséchant, il s’est formé dans tout l’intérieur de leur masse un nombre infini de fentes perpendiculaires qui la divisent en colonnes à plusieurs pans. M. Desmarets a observé cette figuration dans les bancs de plâtre à Montmartre ; ils sont entièrement composés de prismes posés verticalement les uns contre les autres, et ce savant académicien les compare aux prismes de basalte[1], et croit que c’est par la retraite de la matière que cette figuration a été produite ; mais je pense au contraire, comme je l’ai déjà dit[2], que toute matière ramollie par le feu ou par l’eau ne peut prendre cette figuration en se desséchant que par son renflement et non par sa retraite, et que ce n’est que par la compression réciproque que ces prismes peuvent s’être formés et appliqués verticalement les uns contre les autres. Les basaltes se renflent par l’action du feu qu’ils contiennent, et l’on sait que le plâtre en se séchant, au lieu de faire retraite, prend de l’extension ; et c’est par cette extension de volume et par ce renflement réciproque et forcé, que les différentes parties de sa masse prennent

  1. Mémoires de l’Académie des sciences, année 1780.
  2. Époques de la Nature.
  1. On désigne sous le nom d’eau de cristallisation l’eau qui entre dans la composition des corps cristallisés ; par la calcination on enlève cette eau, mais en même temps on fait disparaître l’état cristallin. Cette eau joue donc un rôle très important dans la constitution moléculaire des corps cristallisés.