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l’acide avec les huiles végétales ou les graisses animales ; et comme cette couche extérieure du globe reçoit encore les déchets de tout ce qui sert à l’usage de l’homme, les particules de l’or et de l’argent, et de tous les autres métaux et matières de toute nature qui s’usent par les frottements, on doit par conséquent y trouver une petite quantité d’or ou de tout autre métal.

C’est donc de cette terre, de cette poussière que nous foulons aux pieds, que la nature sait tirer ou régénérer la plupart de ses productions en tous genres ; et cela serait-il possible si cette même terre n’était pas mélangée de tous les principes organiques et actifs qui doivent entrer dans la composition des êtres organisés et des corps figurés ?

La terre limoneuse, ayant été entraînée par les eaux courantes et déposée au fond des mers, accompagne souvent les matières végétales qui se sont converties en charbon de terre ; elle indique par sa couleur les affleurements extérieurs des veines de ce charbon. « Nous observerons, dit M. de Gensane, que dans tous les endroits où il se trouve des charbons de terre ou d’autres substances bitumineuses, on aperçoit des terres fauves plus ou moins foncées, qui, dans les Cévennes surtout, forment un indice certain du voisinage de ces charbons. Ces terres, bien examinées, ne sont autre chose que des roches calcaires, dissoutes par un acide qui leur fait contracter une qualité ferrugineuse, et conséquemment cette couleur ocreuse : lorsque la dissolution de ces pierres est en quelque sorte parfaite, les terres rouges qui en proviennent prennent une consistance argileuse, et forment de véritables bols ou des ocres naturelles[1]. » J’avoue que je ne puis être ici du sentiment de cet habile minéralogiste : ces terres fauves, qui se trouvent toujours dans le voisinage des charbons de terre, ne sont que des couches de terre limoneuse ; elles peuvent être mêlées de matière calcaire, mais elles sont en elles-mêmes le produit de la décomposition des végétaux ; le fer qu’elles contenaient se change en rouille par l’humidité, et le bol, comme je l’ai dit, n’est que la partie la plus fine et la plus atténuée de cette terre limoneuse, qui n’a de commun avec l’argile que d’être, comme elle, ductile et grasse.

De la même manière que la matière végétale plus ou moins décomposée a été anciennement transportée par les eaux et a formé les veines de charbon, de même la matière ferrugineuse, contenue dans la terre limoneuse, a été transportée, soit dans son état de mine en grains, soit dans celui de rouille ; nous venons de parler de ces mines de fer en grains, transportées par alluvion et déposées dans les fentes des rochers calcaires, les rouilles de fer et les ocres ont été transportées et déposées de même par les eaux de la mer. M. Le Monnier, premier médecin ordinaire du roi, décrit une mine d’ocre qui se trouve dans le Berry près de Vierzon, entre deux lits de sable[2]. M. Guettard en a observé

  1. Hist. naturelle du Languedoc, t. Ier, p. 189.
  2. « Les herborisations que j’ai faites, dit-il, dans la forêt de Vierzon, m’ont conduit si près d’une mine d’ocre que je n’ai pu me dispenser d’aller l’examiner. On n’en voit pas beaucoup de cette espèce, et j’ai même ouï dire que c’était la seule qui fût en France : elle appartient à un marchand de Tours, qui la fait exploiter ; elle est située dans la seigneurie de la Beuvrière, paroisse de Saint-George, à deux lieues de Vierzon, sur les bords du Cher. Lorsque j’y suis arrivé, les puits étaient remplis d’eau, à l’exception d’un seul dans lequel je suis descendu : il est au milieu d’un champ dont la superficie est un peu sablonneuse, blanchâtre, sans que la terre soit cependant trop maigre. L’ouverture de ce puits est un carré, dont chacun des côtés peut avoir une toise et demie ; sa profondeur est de dix-huit ou vingt toises ; ce ne sont d’abord que différents lits de terre commune et d’un sable rougeâtre : on traverse ensuite un massif de grès fort tendre, dont le grain est fin et se durcit beaucoup à l’air ; cette masse est épaisse d’environ vingt-quatre pieds ; suivent ensuite différents lits de terre argileuse et de cailloutage ; enfin vient un banc de sablon très fin, blanc et de l’épaisseur d’un pied : c’est immédiatement