Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome III.djvu/204

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ques par elles-mêmes et au plus haut degré ; car on peut donner le magnétisme à tout fer ou toute matière ferrugineuse, non seulement en la tenant constamment dans la même situation, mais encore par le choc et par le frottement, c’est-à-dire par toute cause ou tout mouvement qui produit de la chaleur et du feu : on doit donc penser que les pierres d’aimant étant de la même nature que les autres roches ferrugineuses, leur grande puissance magnétique vient de ce qu’elles ont été exposées à l’air, et travaillées plus violemment ou plus longtemps par la flamme du feu primitif ; la substance de l’aimant paraît même indiquer que le fer qu’elle contient a été altéré par le feu et réduit en un état de régule très difficile à fondre, puisqu’on ne peut traiter les pierres d’aimant à nos fourneaux, ni les fondre avantageusement pour en tirer du fer, comme l’on en tire de toutes les autres pierres ferrugineuses ou mines de fer en roche, en les faisant auparavant griller et concasser[1].

Toutes les mines de fer en roche doivent donc être regardées comme des espèces de fontes de fer, produites par le feu primitif ; mais on ne doit pas compter au nombre de ces roches primordiales de fer celles qui sont mêlées de matière calcaire ; ce sont des mines secondaires, des concrétions spathiques, en masses plus ou moins distinctes ou confuses, et qui n’ont été formées que postérieurement par l’intermède de l’eau : aussi ne sont-elles point attirables à l’aimant ; elles doivent être placées au nombre des mines de seconde et peut-être de troisième formation ; de même, il ne faut pas confondre avec les mines primitives, vitreuses et attirables à l’aimant, celles qui, ayant éprouvé l’impression du feu dans les volcans, ont acquis cette propriété qu’elles n’avaient pas auparavant ; enfin il faut excepter encore les sables ferrugineux et magnétiques, tels que celui qui est mêlé dans le platine, et tous ceux qui se trouvent mélangés dans le sein de la terre, soit avec les mines de fer en grains, soit avec d’autres matières ; car ces sablons ferrugineux, attirables à l’aimant, ne proviennent que de la décomposition du mâchefer ou résidu ferrugineux des végétaux brûlés par le feu des volcans ou par d’autres incendies.

On doit donc réduire le vrai fer de nature, le fer primordial, aux grandes masses des roches ferrugineuses attirables à l’aimant, et qui ne sont mélangées que de matières vitreuses ; ces roches se trouvent en plus grande quantité dans les régions du Nord que dans les autres parties du globe ; on sait qu’en Suède, en Russie, en Sibérie, ces mines magnétiques sont très communes, et qu’on les cherche à la boussole ; on prétend aussi qu’en Laponie, la plus grande partie du terrain n’est composée que de ces masses ferrugineuses ; si ce dernier fait est aussi vrai que les premiers, il augmenterait la probabilité, déjà fondée, que la variation de l’aiguille aimantée provient de la différente distance et de la situation où l’on se trouve, relativement au gisement de ces grandes masses magnétiques : je dis la variation de l’aiguille aimantée, car je ne prétends pas que sa direction vers les pôles doive être uniquement attribuée à cette même cause ; je suis persuadé que cette direction de l’aimant est un des effets de l’électricité du globe, et que le froid des régions polaires influe plus qu’aucune autre cause sur la direction de l’aimant[2].

Quoi qu’il en soit, il me paraît certain que les grandes masses des mines de fer en roche ont été produites par le feu primitif, comme les autres grandes masses des matières vitreuses. On demandera peut-être pourquoi ce premier fer de nature produit par le feu ne se présente pas sous la forme de métal, pourquoi l’on ne trouve dans ces mines aucune masse de fer pur et pareil à celui que nous fabriquons à nos feux. J’ai prévenu cette question

  1. On trouve quelquefois de l’aimant blanc qui ne paraît pas avoir passé par le feu, parce que toutes les matières ferrugineuses se colorent au feu en rouge brun ou en noir ; mais cet aimant blanc n’est peut-être que le produit de la décomposition d’un aimant primitif, reformé par l’intermède de l’eau. Voyez ci-après l’article de l’Aimant.
  2. Voyez ci-après l’article de l’Aimant.