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THÉORIE DE LA TERRE.

ne se communique ni ne s’étend pas aussi loin qu’on le croit par la seule filtration ; cette voie n’en fournit dans l’intérieur de la terre que la plus petite partie ; mais depuis la surface jusqu’à de grandes profondeurs, l’eau descend par son propre poids ; elle pénètre par des conduits naturels ou par de petites routes qu’elle s’est ouvertes elle-même ; elle suit les racines des arbres, les fentes des rochers, les interstices des terres, et se divise et s’étend de tous côtés en une infinité de petits rameaux et de filets, toujours en descendant, jusqu’à ce qu’elle trouve une issue après avoir rencontré la glaise ou un autre terrain solide sur lequel elle s’est rassemblée.

Il seroit fort difficile de faire une évaluation un peu juste de la quantité des eaux souterraines qui n’ont point d’issue apparente[1]. Bien des gens ont prétendu qu’elle surpassoit de beaucoup celle de toutes les eaux qui sont à la surface de la terre ; et sans parler de ceux qui ont avancé que l’intérieur du globe étoit absolument rempli d’eau, il y en a qui croient qu’il y a une infinité de fleuves, de ruisseaux, de lacs, dans la profondeur de la terre : mais cette opinion, quoique commune, ne me paroît pas fondée, et je crois que la quantité des eaux souterraines qui n’ont point d’issue à la surface du globe n’est pas considérable ; car s’il y avoit un si grand nombre de rivières souterraines, pourquoi ne verrions-nous pas à la surface de la terre des embouchures de quelques unes de ces rivières, et par conséquent des sources grosses comme des fleuves ? D’ailleurs les rivières et toutes les eaux courantes produisent des changements très con-

  1. Voyez les Preuves, art. X, XI, et XVIII.