Page:Buffon - Oeuvres completes, 1829, T02.djvu/104

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
98
THÉORIE DE LA TERRE.

point de la plaine, il y a une pente insensible, une espèce de talus qui fait que la surface de l’eau du fleuve est plus élevée que le terrain de la plaine, surtout lorsque le fleuve est à plein bord. Cette élévation du terrain aux bords des fleuves provient du dépôt du limon dans les inondations : l’eau est communément très bourbeuse dans les grandes crues des rivières ; lorsqu’elle commence à déborder, elle coule très lentement par dessus les bords ; elle dépose le limon qu’elle contient, et s’épure, pour ainsi dire, à mesure qu’elle s’éloigne davantage au large dans la plaine : de même toutes les parties de limon que le courant de la rivière n’entraîne pas sont déposées sur les bords ; ce qui les élève peu à peu au dessus du reste de la plaine.

Les fleuves sont, comme l’on sait, toujours plus larges à leur embouchure ; à mesure qu’on avance dans les terres et qu’on s’éloigne de la mer, ils diminuent de largeur : mais ce qui est plus remarquable et peut-être moins connu, c’est que dans l’intérieur des terres, à une distance considérable de la mer, ils vont droit, et suivent la même direction dans de grandes longueurs ; et à mesure qu’ils approchent de leur embouchure, les sinuosités de leur cours se multiplient. J’ai ouï dire à un voyageur, homme d’esprit et bon observateur[1], qui a fait plusieurs grands voyages par terre dans la partie de l’ouest de l’Amérique septentrionale, que les voyageurs, et même les sauvages, ne se trompoient guère sur la distance où ils se trouvoient de la mer ; que pour reconnoître s’ils étoient bien avant dans l’intérieur des terres, ou s’ils étoient

  1. M. Fabry.