Page:Buffon - Oeuvres completes, 1829, T02.djvu/28

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
22
THÉORIE DE LA TERRE.

rivés au globe terrestre, imprimée à Paris cette année (1746), je m’attendois à y trouver ce fait rapporté par la Loubère ; il s’accorde parfaitement avec les idées de l’auteur : les poissons pétrifiés ne sont, à son avis, que des poissons rares, rejetés de la table des Romains parce qu’ils n’étoient pas frais ; et à l’égard des coquilles, ce sont, dit-il, les pèlerins de Syrie qui ont rapporté, dans le temps des croisades, celles des mers du Levant qu’on trouve actuellement pétrifiées en France, en Italie, et dans les autres états de la chrétienté. Pourquoi n’a-t-il pas ajouté que ce sont les singes qui ont transporté les coquilles au sommet des hautes montagnes et dans tous les lieux où les hommes ne peuvent habiter ? cela n’eût rien gâté et eût rendu son explication encore plus vraisemblable. Comment se peut-il que des personnes éclairées et qui se piquent même de philosophie, aient encore des idées fausses sur ce sujet[1] ? Nous nous contenterons

  1. Sur ce que j’ai écrit, au sujet de la lettre italienne, dans laquelle il est dit que ce sont les pèlerins et autres qui, dans le temps des croisades, ont rapporté de Syrie les coquilles que nous trouvons dans le sein de la terre en France, etc., ou a pu trouver, comme je le trouve moi-même, que je n’ai pas traité M. de Voltaire assez sérieusement ; j’avoue que j’aurois mieux fait de laisser tomber cette opinion que de la relever par une plaisanterie, d’autant que ce n’est pas mon ton, et que c’est peut-être la seule qui soit dans mes écrits. M. de Voltaire est un homme qui, par la supériorité de ses talents, mérite les plus grands égards. On m’apporta cette lettre italienne dans le temps même que je corrigeois la feuille de mon livre où il en est question ; je ne lus cette lettre qu’en partie, imaginant que c’étoit l’ouvrage de quelque érudit d’Italie, qui, d’après ses connoissances historiques, n’avoit suivi que son préjugé, sans consulter la nature ; et ce ne fut qu’après l’impression de mon volume sur la Théorie de la terre, qu’on m’assura que la lettre étoit de M. de Voltaire : j’eus regret alors à mes expressions. Voilà la vérité : je la déclare autant pour M. de Voltaire que