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ART. VIII. PRODUCTIONS DE LA MER.

On trouve ces coquilles depuis le haut jusqu’au fond des carrières ; on les voit aussi dans des puits

    plutôt qu’une espèce dans la classe des animaux à coquilles, tant elles sont différentes les unes des autres par la forme et la grandeur, sont réellement les dépouilles d’autant d’espèces qui ont péri et ne subsistent plus. J’en ai vu de si petites, qu’elles n’avoient pas une ligne, et d’autres si grandes, qu’elles avoient plus de trois pieds de diamètre. Des observateurs dignes de foi m’ont assuré en avoir vu de beaucoup plus grandes encore, et entre autres une de huit pieds de diamètre sur un pied d’épaisseur. Ces différentes cornes d’ammon paroissent former des espèces distinctement séparées : les unes sont plus, les autres moins aplaties ; il y en a de plus ou de moins cannelées, toutes spirales, mais différemment terminées, tant à leur centre qu’à leurs extrémités : et ces animaux, si nombreux autrefois, ne se trouvent plus dans aucune de nos mers ; ils ne nous sont connus que par leurs dépouilles, dont je ne puis mieux représenter le nombre immense que par un exemple que j’ai tous les jours sous les yeux. C’est dans une minière de fer en grain, près d’Étivey, à trois lieues de mes forges de Buffon ; minière qui est ouverte il y a plus de cent cinquante ans, et dont on a tiré depuis ce temps tout le minerai qui s’est consommé à la forge d’Aisy ; c’est là, dis-je, que l’on voit une si grande quantité de ces cornes d’ammon entières et en fragments, qu’il semble que la plus grande partie de la minière a été modelée dans ces coquilles. La mine de Conflans en Lorraine, qui se traite au fourneau de Saint-Loup en Franche-Comté, n’est de même composée que de bélemnites et de cornes d’ammon : ces dernières coquilles ferrugineuses sont de grandeur si différente, qu’il y en a du poids depuis un gros jusqu’à deux cents livres. Je pourrois citer d’autres endroits où elles sont également abondantes. Il en est de même des bélemnites, des pierres lenticulaires, et de quantité d’autres coquillages dont on ne retrouve point aujourd’hui les analogues vivants dans aucune région de la mer, quoiqu’elles soient presque universellement répandues sur la surface entière de la terre. Je suis persuadé que toutes ces espèces, qui n’existent plus, ont autrefois subsisté pendant tout le temps que la température du globe et des eaux de la mer étoit plus chaude qu’elle ne l’est aujourd’hui ; et qu’il pourra de même arriver, à mesure que le globe se refroidira, que d’autres espèces actuellement vivantes cesseront de se multiplier, et périront comme ces premières ont péri, par le refroidissement.

    La seconde observation, c’est que quelques uns de ces ossements