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CHRONIQUES

sions ! Sans doute, c’est une belle profession que celle de défendre les opprimés, mais lorsqu’il n’y a pas d’oppresseurs, c’est exposer en pure perte sa grande figure apparaissant à une nouvelle auréole.

Le Constitutionnel de qui l’on pouvait attendre mieux, tourne la manivelle à son tour et se fait l’écho de l’Écho :

« Aux yeux des hommes, dit-il, qui veulent juger les choses sans passion, sans parti pris, la carrière politique de sir George est une des plus belles que l’on puisse rencontrer. L’histoire impartiale, ce juge froid et tardif, lui rendra justice un jour. L’histoire dira que cet homme d’une activité extraordinaire n’eut qu’une passion dans sa vie : servir son pays avec honneur. L’histoire dira surtout qu’il a passé quinze ans de sa vie à côté de la caisse gouvernementale et que jamais on n’a pu l’accuser de faire usage de sa position politique pour favoriser ses intérêts pécuniaires. »

Rencontrer une carrière n’est pas absolument de la plus pure linguistique. — Une carrière ne se rencontre pas sur le chemin comme un électeur décidé à faire acte d’ingratitude. Je voudrais, pour ma part, que les seuls hommes au monde qui aient du sentiment et de la reconnaissance sachent au moins l’exprimer, que ceux qui ont fait de sir George le pilier de la nationalité canadienne, ne le démolissent pas par leur style ; mais on ne peut pas tout avoir. La gratitude, paraît-il, est un sentiment exclusif, et, lorsqu’on est reconnaissant, on oublie la syntaxe.

Mais voyez où l’on en est réduit pour prôner l’homme de bronze ; on l’adule parce qu’il a passé quinze ans de sa vie à côté de la caisse gouvernementale sans qu’il ait profité de sa position pour favoriser ses intérêts pécu-