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CHRONIQUES

crapauds ses semblables, et s’il n’est pas resté à quatre pattes, c’est par défaut de conformation. La femme, qui était tombée avec lui, s’est relevée la première et l’a aidé, de sorte que vous voyez ce bipède courant aujourd’hui les mers, les fleuves, les continents, et cherchant à rattraper le ciel qui l’a vomi. C’est un spectacle que ce flot humain courant par toutes les routes, mais c’en est un bien maigre cette année pour les voyageurs qui ont l’habitude de visiter régulièrement nos stations balnéaires.

Les hôteliers ont l’air au désespoir. En effet, à part le grand hôtel de Cacouna, je ne vois pas où les étrangers se dirigent aujourd’hui. Que voulez-vous ? J’étais à Tadoussac avant-hier ; à peine commencé-je à respirer les parfums vigoureux que dégagent les mille montagnes du nord, qu’une averse subite s’abat des nues, une averse de cinq heures ! Hier, je traverse à la Rivière-du-Loup il faisait un ciel radieux, clair et pur comme le fond de mon cœur : j’arrive plein d’allégresse, mais à peine suis-je parvenu au bureau de poste, à deux milles du quai, que des grains de pluie commencent à percer la voûte brillante du firmament ; en un clin-d’œil, les grains de pluie deviennent un déluge et l’orage est tombé toute la nuit. Aujourd’hui je prends le train pour une destination inconnue, (j’aime à m’envelopper de mystère,) eh bien ! je n’avais pas fait six lieues qu’une nouvelle tempête gronde, le ciel se barbouille comme un journal mal imprimé, il tombe des gouttes d’eau grosses comme des œufs, de la grêle… le diable son train, et un froid ! oh ! le croiriez-vous ? le conducteur fut obligé de faire allumer du feu dans