Page:Buies - L'Outaouais supérieur, 1889.djvu/74

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qui occupait tout l’espace entre la Nouvelle-Angleterre et la Virginie, inondait le versant des Apalaches et ne s’arrêtait que dans le bassin du Mississippi. Ces trois grandes forêts réunies formaient ce qu’on appelait la « région forestière de l’Atlantique. » À l’ouest de cette région, les pluies ne tombant que légèrement n’alimentaient plus les forêts, et l’on ne voyait que le désert et les longues plaines nues du Nord-Ouest dépliées comme un linceul jusqu’aux premiers contreforts des Montagnes Rocheuses.

Que reste-t-il aujourd’hui de la prolifique et merveilleuse région forestière de l’Atlantique ? On l’a frappée, on l’a abattue avec acharnement, non pas seulement pour étendre le domaine agricole de l’homme, ce qui eût été peu de chose, mais pour la livrer à une exploitation effrénée, sans règle et sans limite, comme si le feu, le plus grand ennemi des forêts, n’en faisait pas encore assez pour leur destruction.[1] On l’a fait disparaître en grande partie, d’une main impitoyable, aveuglément, sottement, sans rien calculer, sans rien prévoir, comme si elle était inépuisable, et l’on a porté par ce vandalisme un coup funeste à l’une des plus grandes richesses naturelles

  1. La perte annuelle causée par le feu s’élève à plus de $5,000,000 pour la vallée de l’Outaouais seulement, et quand on songe qu’il faut 150 ans à un pin pour atteindre sa complète maturité, on comprend toute l’étendue de cette perte.