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Je voulais aujourd’hui attirer votre attention sur un article du Courrier de Saint-Hyacinthe, intitulé « l’Éducation. »

« L’éducation, dit-il, tout le monde se plaît à le reconnaître, a fait de grands progrès depuis quelques années parmi notre jeune population. »

C’est ce que je nie de la façon la plus formelle. Depuis quarante ans que j’habite les districts ruraux du Bas-Canada, la seule époque où l’instruction y ait fait du progrès est lorsque le clergé n’avait pas à se mêler de l’organisation des écoles.

La Loi des Écoles, passée par le parlement du Bas-Canada et connue sous le nom de Nelson’s School Act, tout le monde sait qu’elle fut mise de côté par le conseil législatif du Bas-Canada, avec l’approbation des évêques et du clergé catholique, quoique ce conseil en eût pris la responsabilité, et pour cause.

Jusqu’à quel point une bonne chose peut servir à mal paraît clairement dans les actes d’écoles passés par le parlement du Canada. Je me rappelle que pour chaque clause il était nécessaire, ou du moins on regardait comme un devoir, de consulter le clergé et d’avoir son approbation, avant que l’acte passât. C’est alors que la griffe se cachait sous la patte de velours.

Allez maintenant avec votre Lanterne ; cherchez parmi les hommes de 20 à 40 ans, répandus dans les campagnes du Bas-Canada, et vous n’en trouverez pas un sur 20 qui sache lire, un sur 50 qui sache écrire, et cependant ils vous diront tous qu’ils sont allés à l’école depuis l’âge de 7 à 14 ans, mais qu’ils ont oublié tout ce qu’ils avaient appris.

Je vous laisse à juger ce que ce tout veut dire, quand les instituteurs étaient pour la plupart de jeunes filles prises dans les couvents pour un salaire de 10 à 20 louis par année, et choisies parce que leurs parents étaient pauvres et incapables de payer aux couvents le prix que payaient les autres élèves.

Maintenant, quels étaient les régulateurs, les maîtres suprêmes dans tout ceci ? Le surintendant de l’éducation ? non. Les surintendants de districts ? non. Les commissaires choisis par le peuple ? non. Mais c’était M. le curé de la paroisse, lui seul.

Le clergé canadien a obtenu et a fait précisément ce que dit Victor Hugo :

« Vous voulez, dites-vous, la liberté d’enseignement ; tenez, entendons-nous, voulez-vous que je vous dise quelle est la liberté que vous réclamez ? c’est la liberté de ne pas enseigner. »

Jamais paroles ne seront plus vraies de l’éducation telle qu’elle est donnée dans les campagnes du Bas-Canada.

Un qui habite la campagne depuis quarante ans.

Je veux maintenant mettre sous les yeux du lecteur les annonces de Livres Nouveaux de deux libraires de cette ville, MM. Rolland et