Page:Buies - La lanterne, 1884.djvu/120

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
120

L’Ordre ne vit jamais pareils témoignages de sympathie en sa faveur.

Le Courrier de Saint-Hyacinthe attribue les mauvaises récoltes à l’indifférence du peuple pour les pratiques religieuses, et au nombre croissant des mauvais journaux qui se publient.

Cela est incontestable. Le nombre des mauvais journaux est beaucoup trop grand pour notre petite population ; ils lui prennent tout son temps.

Comment le peuple apprendra-t-il à cultiver, tant qu’il existera des mauvais journaux comme le Courrier de St. Hyacinthe, le Nouveau-Monde, l’Ordre, le Courrier du Canada, le Journal de Trois-Rivières, l’Union des Cantons de l’Est, la Gazette de Sorel, le Pionnier de Sherbrooke, la Voix du Golfe, la Gazette des Campagnes… ?

L’autre raison donnée, l’indifférence pour les pratiques religieuses est également juste.

En effet, si, au lieu de labourer, les habitants passaient tout leur temps à dire le chapelet et à embrasser M. le curé, œuvre pieuse pour laquelle il y a 600 jours d’indulgence, la terre deviendrait tellement féconde qu’on serait obligé de fabriquer un autre petit miracle de la Salette pour en détruire les produits.

Un jeune canadien, venu des États-Unis dernièrement, à qui l’on faisait lire cet article du Courrier, s’imagina de répondre que les mauvaises récoltes étaient probablement dues à un mauvais système de culture, ou à la température, ou aux insectes, etc., mais ses interlocuteurs persistèrent à dire que c’était grâce à l’indifférence religieuse.

Alors, le jeune homme : « Si vos récoltes diminuent, dit-il, je commence à croire que c’est parce que Dieu se fait protestant ; je n’ai jamais vu en effet d’aussi splendides récoltes qu’aux États-Unis et dans le Haut-Canada. À Chicago, le grain est plus abondant que le sable, et l’on ne sait plus où le mettre. »

Les bons habitants se signèrent, et regardèrent leurs champs pour voir quel effet ce signe de croix produirait sur eux.Mais les champs ne bougèrent pas.