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fidèle à sa mission, certain de ne pas se noyer à son retour, revient au bout de quelques semaines, rapportant une soutane.

Aussitôt, allégresse au logis, exhibition, découpures pour faire des reliques. Les amis sont conviés ; l’un d’eux, quelque peu intrigué, malgré une foi robuste, se risque à dire : « Mais qui vous prouve, madame, que cette soutane soit celle du pape ? ne peut-on pas en avoir acheté ou emprunté une exprès ?… » — « Comment ! s’écria la dame indignée, cette soutane ne serait pas celle du pape ! mais vous ne voyez donc pas, vous ne voyez donc pas… comme elle est sale ? »

Le même correspondant continue pontificalement :

« Aussi il fallait voir comme nous nous dandinions dans les rues, les premiers jours où nous étrennâmes nos costumes si élégants et d’une étoffe superfine. Si nos mères nous eûssent vus dans ces moments, elles ne se seraient pas gênées, j’en suis sûr, de traverser le Corso pour venir baiser leurs chers et jolis zouaves. Plus tard, chères mères, vous aurez cette jouissance. Pour le moment, il faut vous contenter de savoir que nous sommes propres et chiquement propres encore. Puisque je suis à converser avec nos aimables mamans, je les supplierai, la mienne surtout, de nous écrire souvent. Il n’y a pas de lettres qui fassent autant de bien, au cœur et à l’âme, que celles qu’elles nous écrivent. »

De son côté, le Courrier de Saint-Hyacinthe, qui appelle l’évêque Larocque pontife, s’amuse à raconter le fait suivant :

« Il y a quelque temps, M. Noé Raymond, qui n’est pas d’une taille colossale, était de corvée avec plusieurs autres Canadiens aux casernes situées près du Vatican. Leur occupation consistait à charroyer du pain. M. Raymond se donnait beaucoup de peine, faisait tous ses efforts, mais n’en ployait pas moins sous le fardeau. Tout à coup il aperçoit Pie ix se tenant à une croisée voisine et s’amusant un peu de sa faiblesse et de sa misère. Les zouaves voulurent alors faire une ovation au St. Père, qui s’éloigna de sa fenêtre, convaincu de la bonne volonté de M. Raymond. »

Et l’on voudra maintenant que les Anglais, en voyant nos journaux reproduire des niaiseries de cette espèce, ne nous prennent pas pour des êtres inférieurs ! Ils auraient bien tort.

Il est minuit. Minuit, c’est l’heure solennelle… ; c’est l’heure du crime, du désespoir, de l’amour et des ronflements.

Seul, accoudé sur ma table de travail, je prépare un attentat. Que va-t-il sortir de mon cerveau ténébreux ? Une page de la Lanterne.

Ma chambre est pleine de fantômes. Dans un coin le diable rit à se tordre.

Le Nouveau-Monde et l’Ordre, ombres épaisses. Accroupi, le Courrier du Canada invoque l’Esprit Saint qui, comme tous les autres esprits, ne veut pas descendre en lui.

Le Courrier de Saint-Hyacinthe expédie des bénitiers en guise de