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couronne d’or… etc… n’avaient pas été établies par le maire et les échevins, ni par le gouvernement provincial, quoiqu’il l’eût pu faire, mais bien par les membres du clergé.

Je me figurais encore que toutes ces sottes pratiques, formant le plus clair et le plus gros des revenus des prêtres, ils ne pouvaient en être les ennemis, et je me rappelais incidemment cette parole de Voltaire :

« Les prêtres font la guerre au diable, quelle imprévoyance ! mais c’est lui qui les fait vivre ! »

Je me figurais que toutes ces prières comiques pour sauver les âmes du purgatoire et toutes les indulgences qui y sont attachées, n’étaient pas l’œuvre de quelque marchand de tabac, mais bien des prêtres qui, par conséquent, ne les peuvent condamner…

Mais je m’étais mis le doigt dans l’œil.

Le plus grand ennemi de toutes ces sottes pratiques,… c’est le clergé ! !

Mais alors qu’on me fasse donc connaître l’acte ou le mot par lequel il les blâme, ou tout au moins ne les encourage pas.

Qu’il y ait des prêtres qui aient prêché contre la superstition, c’est possible, cela est très facile ; mais ont-ils indiqué au moins ce qu’ils entendaient par superstition ? ont-ils nommé, comme moi, ces sottes pratiques ? S’ils l’ont fait, au lieu d’écrire contre moi, vous devez me combler d’éloges, puisque je ne fais que les imiter.

Je me figurais encore, triple naïf, que le clergé, ou bien l’évêque de Montréal, s’il désapprouvait ces sottes pratiques, n’avait qu’à le dire, et de suite on les aurait vu disparaître.

Mais elles ont été fortement condamnées, paraît-il, et cependant elles subsistent encore.

Vous vous êtes donc placés vous-mêmes dans ce dilemme, terrible pour vous qui ne savez pas raisonner :

Ou le clergé ne défend pas ces pratiques, et alors vous avez menti gratuitement.

Ou il les défend, et alors il a perdu toute influence, tout prestige sur ceux qui l’écoutent le plus, puisque ces pratiques, au lieu de disparaître, se multiplient tous les jours comme la postérité d’Abraham.

Quand je disais que le clergé perd du terrain tous les jours, je ne m’attendais pas à ce que ce serait vous, L’Ordre, qui lui donneriez le coup de grâce.

Mais voilà ! on fait des convertis, et ensuite on ne peut plus retenir leur zèle : les néophytes laissent bien loin derrière eux les apôtres ; ça s’est toujours vu.