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C’est-à-dire l’État rivé à l’Église, l’Église rivée à l’État, et tous deux s’entendant pour étouffer la liberté de conscience.

L’établissement d’une religion d’État veut dire invariablement persécution des religions dissidentes.

Sous Cromwell, les Indépendants ou Brownistes, de persécutés qu’ils avaient été, se firent les persécuteurs des épiscopaliens.

Sous la restauration, en 1660, l’acte d’uniformité, décrété sous Elizabeth contre les non-conformistes, fut remis en vigueur. Il fallait souscrire à tout ce que contenait le Book of common prayers.

On voit dans ce livre des invocations comme les suivantes : « Ô Seigneur Dieu, toi à qui appartient la vengeance…

« Ô fille de Babylone, béni soit celui qui saisira tes enfants et les écrasera contre la pierre… »

Mais disons-le à la gloire de l’Angleterre, elle fait des efforts prodigieux pour s’arracher à ce joug indigne d’elle. En mai 1863, lord Ebury demanda la radiation de la clause qui oblige de souscrire à tout ce que contient le Book of common prayers, et dans la chambre des Lords même, ce boulevard de l’Église établie, la seconde lecture de son bill fut votée par 50 lords contre 90.

Aujourd’hui, avec Gladstone et Bright au pouvoir, si la séparation de l’Église et de l’État ne devient pas un fait accompli, du moins elle sera victorieusement préparée pour l’avenir, malgré la lenteur des réformes dans un pays essentiellement adorateur de toutes ses institutions, bonnes ou mauvaises.

Le dépeuplement des Flandres fut une croisade de l’Église par l’État.

Philippe ii régnait alors en Espagne. C’était le roi des bûchers, le pontife de l’Inquisition ; il promena le massacre et la destruction sur toutes les parties du vaste empire que lui avait légué Charles-Quint.

Les habitants des Flandres, peuple industrieux qui fournissait à l’Europe ses plus belles étoffes, opprimés par lui, persécutés dans l’exercice paisible de leur commerce, cherchèrent un refuge dans l’émigration.

Cette émigration commença en 1550. Elle était composée généralement des meilleurs ouvriers et des chefs de fabrique les plus intelligents. « Qui émigre en pareil cas ? dit Esquiros. (Immigrations protestantes). Les forts, les entreprenants, les hommes de caractère et de volonté ; les autres, c’est à-dire tous ceux qui n’ont pas confiance en eux-mêmes, restent où ils sont, s’attachent avec désespoir à la terre natale, fût-elle noyée de sang ? »