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Un homme ordinaire, un homme qui ne serait ni un prêtre ni un pape, un homme enfin qui ne se serait pas durci le cœur à vivre de la charité des gens, aurait refusé l’offrande de la pauvre ouvrière, prise sur le pain de chaque jour.

De même, il n’aurait pas eu le courage d’accepter de l’argent d’une population obligée déjà, à la suite du fléau dont elle a été victime, d’avoir recours à des souscriptions publiques.

Mais ces prêtres et ces évêques et ces papes n’ont pas d’entrailles. Ils croient que le monde entier n’a d’autre mission que de les nourrir.

Fussiez-vous sur la paille, n’eussiez-vous pour vous arracher à la faim que quelques sous, dernières épargnes de l’indigence, eh bien ! ils vous les prendraient et vous donneraient en échange des bénédictions pour vous rendre dans l’autre monde.

Allons, viens ici, peuple canadien ; vide tes poches. Tu ne sais comment passer l’hiver ; le bois coûte dix piastres la corde ; les marchés sont devant toi, mais tu n’as pas un sou pour y aller ; c’est égal, appelle-nous saint évêque, bon curé, prends le scapulaire, mets-toi à genoux et meurs de faim.

Vous autres, habitants des campagnes, vous n’avez pas cent piastres pour payer une dette et empêcher vos terres d’être vendues ; c’est égal, cotisez-vous pour nous bâtir de belles églises, pour nous faire des presbytères splendides ; venez avec la dîme, fruit de vos sueurs, pour que rien ne nous manque à nous, pour que nous soyons gros et gras : en revanche on vous chantera des messes, on confessera vos femmes et vos filles, et l’on vous huilera par dessus le marché.

Écoutez l’évêque de Montréal.

Il vient de lancer un nouveau mandement ; celui-ci a trait au Concile Œcuménique ; eh bien ! il a trouvé le moyen de demander encore de l’argent pour cela. Lisez :

Mais vous ne bornerez pas à la prière, N. T. C. F., votre zèle à coopérer à la grande œuvre du Concile ; car vous joindrez à la prière l’aumône, qui est toujours si puissante sur le cœur du Père des miséricordes. À cette fin, vous ajouterez à vos aumônes courantes et ordinaires, celle que vous faites en contribuant au Denier de St Pierre. Or, s’il est un temps où il vous faut déployer tout l’intérêt que vous portez déjà à cette grande et belle œuvre, c’est assurément celui-ci. Car vous n’ignorez pas à quelles énormes dépenses va être exposé le Père commun, pour subvenir aux frais que va lui causer cette grande réunion ; et votre bon cœur vous inspirera ce que vous aurez à faire pour l’aider suivant vos moyens. Car ne l’oubliez pas, c’est pour notre avantage et celui de toute l’Église qu’il se charge de tant de dépenses.

Pour notre avantage ! comment ça ? Mais, des décisions et des canons, et des dogmes nouveaux, et des interprétations, et des canonisations, on en a jusque par dessus les oreilles.