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C’est, arrivée à ce point, que la femme devient une méchante bourrique.

Jeunes Canadiennes, conservez longtemps cette sainte aversion du scandale ; n’allez jamais au bal que pour voir danser les autres ; et lorsque vous irez à confesse et que votre directeur vous demandera ce que vous avez fait à tel bal où l’on vous signala, vous pourrez répondre avec cette fierté noble que donne une bonne conscience :

« Mon père, j’ai baillé trois cent vingt-deux fois, sans compter les grincements de dents. »

« Tout ce qui se fait contre les pratiques, contre les doctrines et les institutions révolutionnaires, de quelque façon qu’on s’y prenne et quelque nom qu’on y mette tout cela est bon. »

Ce sont là les paroles de Louis Veuillot, le grand-prêtre de l’ultramontanisme, le bras droit de la papauté, l’oracle et l’idole de tous les journaux canadiens.

Voilà l’homme dont on reproduit chaque article comme un renseignement, chaque phrase comme une maxime.

Le voilà, la torche à la main et la dague au côté ; l’apôtre est devenu bourreau.

À une religion de sang, de persécution, de haine et de mensonge, il faut de ces hommes imbibés de rage.

Que feraient-ils de la charité et de l’amour, eux qui n’élèvent la voix que pour maudire et le bras que pour frapper ?

Applaudissez, Nouveau-Monde, vous êtes tout là. De quelque façon qu’on s’y prenne et quelque nom qu’on y mette, tout est bon pour détruire la liberté humaine.

L’ultramontanisme est en délire. Il sent que les hommes et les choses lui échappent ; il a tout épuisé, la crédulité et la bourse. Son sang ne monte plus à son cœur, parce que ce cœur, le siège de Rome, est depuis longtemps rongé par les vers, mais il monte à la tête comme un torrent de feu.

L’ultramontanisme sent qu’il se meurt, et qu’il se meurt avili, exécré ; la conscience humaine par lui refoulée, contre lui rebondit.

Il voit l’abîme qui se creuse tout autour de lui et qui grandit sans cesse. Alors, frappé de vertige, hideux comme la rage impuissante, il crie à la civilisation. « Viens donc m’attaquer. »

Son râle a le hoquet du sang : il meurt sur le sein de l’humanité, comme un vautour repu sur sa proie.

Louis Veuillot, c’est le catholicisme moderne : n’est-ce pas lui qui disait encore tout dernièrement ?