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le P. Commire eut achevé la correction à son gré, il me laissa aller et je rejoignis mon dortoir, où je me couchai. Le lendemain je dus reprendre les exercices ordinaires de la maison. J’avais cependant la figure, tous les membres, mais surtout une fesse et les cuisses, extrêmement endoloris ; quelques jours après, ma mère vint me voir au parloir, sut ce qui m’était arrivé, et mon père me fit sortir de la maison.

D. Lorsque vous avez raconté à vos camarades la correction qui vous avait été infligée, que vous dirent quelques-uns d’entre eux ?

— R. Qu’ils en avaient reçu autant dans d’autres occasions. Je citerai de Connat, de Montfort et de Longat. »

Sur la demande de M. l’avocat impérial, deux pièces à conviction ont été apportées, la chemise qu’avait le jeune Ségéral dans la journée du 22 novembre, et la discipline. La chemise est déchirée aux poignets par suite de la lutte de l’enfant avec le P. Commire ; elle porte quelques petites taches de sang. La discipline est une réunion de cordes solidement tressées qui se terminent par plusieurs brins à nœuds. Le jeune Ségéral reconnaît que c’est avec cet instrument qu’il a dû être frappé.

Troisième témoin. — De Connat, 16 ans et demi, élève de l’École des Jésuites à Tivoli : Le 23 novembre, pour une faute commise au réfectoire, je fus mis au cachot vers les sept heures et demie du soir, sans manger, et je reçus une correction du P. Commire.

D. Votre déposition écrite est beaucoup plus explicite. Vous y déclarez que de votre cachot vous avez souvent réclamé des aliments qui vous ont été refusés ; enfin, et surtout, que le soir, le P. Commire vint dans votre cellule et vous dit : Je suis l’exécuteur ; je n’ai contre vous aucun motif de haine ; mais il faut que je vous fustige. Vous ajoutez qu’alors, sur votre refus de vous déshabiller, vous reçûtes des coups de cravache vivement administrés, que votre pantalon en fut déchiré. Est-ce vrai cela ? — R. C’est un peu exagéré. Ainsi les déchirures de mon pantalon ont pu être faites par des clous d’une caisse qu’il y avait dans le cachot, et sur laquelle je m’agitais beaucoup.

D. Mais le reste est-il vrai ? Est-il vrai que vous êtes resté tout le jour sans nourriture, et que le P. Commire vous a dit : « Je suis l’exécuteur ? » — R. Oui, il est vrai que je n’ai pas mangé ; mais je ne sais trop si le P. Commire m’a dit les paroles que je lui ai attribuées.

Me. Émile Durier ; Je demande au témoin si, depuis qu’il a été entendu dans l’instruction, on l’a prié d’atténuer sa première déposition. — R. On m’a laissé libre de dire ce que je voudrais. (Hilarité et mouvement)

ON M’A LAISSÉ LIBRE DE DIRE CE QUE JE VOUDRAIS !


Toute la méthode jésuitique est là. On ne dit pas à l’enfant de