Page:Buies - La lanterne, 1884.djvu/218

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
218

obéir. J’ai agi de mon propre mouvement, après m’être entendu avec le P. de la Judie…

D. — Un témoin a déclaré pourtant qu’en venant le trouver pour lui infliger une correction, vous lui avez dit : « Je suis l’exécuteur. » Cela concorde bien avec votre déposition écrite.

— R. Je ne crois pas avoir tenu ce propos. Mais je répète qu’il n’y a pas chez nous de charge qui oblige à administrer les corrections manuelles. Notre règle nous interdit même les punitions.

M. le président : Si votre règle vous les interdit, il n’y parait guère ; car vous avez aussi flagellé le jeune de Connat et le jeune de Montfort ?

— R. Il y a, dans le récit qu’on a présenté de ces deux faits, des exagérations. De Connat a été frappé de quelques coups d’une demi-cravache par-dessus ses vêtements. Je lui avais demandé de les ôter, et comme je vis qu’il n’y voudrait pas consentir, je n’insistai pas. Il s’agissait beaucoup moins de lui faire un mal sensible que de l’humilier parce qu’il se montrait orgueilleux. Je nie absolument que ces coups aient pu déchirer son pantalon. Si le pantalon a été déchiré, c’est aux clous de la caisse qui était dans le cachot et sur laquelle de Connat s’agitait violemment.

S’il s’agitait violemment, il faut croire que ça lui faisait violemment mal.

Quelle différence avec Montfort qui trouvait ça si bon qu’il en redemandait !

Tout cela s’explique par la grâce de la vocation.

M. le président : Que la cravache ait produit les déchirures, ou que les déchirures soient venues de ce que de Connat s’agitait sous le fouet, il n’y a pas grande différence. Et de Montfort ?

— R. Ce qu’a raconté de Montfort est vrai. Comme il avait commis une série de fautes, et notamment une faute grave, je lui proposai de le corriger avec la discipline. Il a accepté. On a seulement exagéré le nombre des coups ; il n’y en a pas eu soixante.

M. le président : Ce fait-là s’est produit avec une circonstance particulière que je dois vous prier d’expliquer. Vous avez engagé votre parole, vis-à-vis de Montfort, que vous ne révéleriez pas la punition que vous lui aviez infligée, et vous avez tenu à consigner dans l’instruction que ce n’était pas vous qui aviez le premier manqué à cette promesse.

— R. Oui, monsieur. De Montfort, étant assez puni, m’avait demandé de lui éviter l’humiliation de la publicité, le déshonneur. Je le lui avais promis et devais tenir ma parole.

M. le président : Le déshonneur, dites-vous ! Vous trouvez donc qu’il y a du déshonneur à recevoir des coups ! Et vous en donnez à