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Une suave expression de béatitude accueille ce message, et le ministère propose l’ordre du jour ainsi conçu :

« Il est expédient que le parlement local fasse l’achat de cinq cents exemplaires du Petit Albert, et de douze cents exemplaires des Exercices de Neuvaines, pour ouvrir l’esprit des députés qui persiste à s’obscurcir de plus en plus, malgré les sacrifices que le clergé a faits pour leur élection. »

Cet ordre du jour, basé sur les bons principes, est adopté avec enthousiasme.

M. Marchand (d’Iberville) croit le moment venu de présenter quatre-vingt douze pétitions de Canadiens émigrés demandant à rentrer dans leur pays.

La joie des membres est indescriptible. Ils voient déjà tripler le nombre de leurs électeurs.

Mais l’évêque d’Antédon, Mgr Laflèche, qui est venu surveiller les débats, et qui, en sa qualité d’évêque, a un contrôle incontesté sur les discussions du parlement, ouvre une bouche sacrée pour dire « qu’il ne permettra jamais l’introduction de cet élément corrompu au sein du troupeau dont Dieu lui a confié la garde, qu’il est en cela l’organe de l’épiscopat canadien et que, s’il est indispensable que le pays soit colonisé, il ne l’est pas du tout qu’il ait des colons, que les forêts doivent être défrichées, mais qu’il faut avant tout y bâtir des églises, que si les Canadiens aiment mieux émigrer que de mourir de faim à côté d’un presbytère, c’est qu’ils ont répudié tout patriotisme et qu’il est dangereux de les laisser revenir ; que, du reste, ils ont perdu aux États-Unis l’habitude salutaire de mettre des scapulaires à leurs charrues et de faire bénir leurs grains, que l’ensemencement des grains non sanctifiés causerait des tremblements de terre et autres catastrophes dans notre pays, si heureux jusqu’aujourd’hui… etc… »

Et, s’échauffant de plus en plus, l’évêque d’Antédon finit par déclarer qu’il est bon toutefois de laisser le député d’Iberville, qui est un libéral-mais-catholique, renouveler indéfiniment ses pétitions pour berner les braves gens qui ne sont pas tout à fait morts de faim en récitant le chapelet, mais qu’il serait souverainement démagogique et impie de leur prêter la moindre attention.

Ce qui distingue M. Chauveau de ses collègues du ministère, c’est l’habitude du langage diplomatique.

Ce mérite est indispensable avec un parlement habile et éclairé comme celui de Québec.

Ayant été dix ans surintendant de l’instruction publique sous les