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Nous voici en vue de Brest, après 8 jours et 22 heures de navigation d’un canon à l’autre.

L’évêque Ignace voyage entre deux canons ; c’est ce qu’on appelle un voyage providentiel.

Comme vous le voyez, c’est une belle traversée. L’un dit : C’est une marche fabuleuse ; l’autre s’écrie : C’est une traversée exceptionnelle ; et nous, nous disons : C’est un voyage providentiel.

Il veut toujours avoir le dernier mot, notre évêque.

Les 26, 27, 28, nous les passons au milieu de brouillards de grêle, de neige, de pluie, qui nous amènent de sombres nuages, du froid et du vent. C’est ainsi que nous côtoyons de loin les redoutables bancs de Terreneuve, et que nous franchissons ce que les marins appellent le « trou du diable »

Comment ! voilà notre saint évêque dans le trou du diable !

Malgré tout, la Ville de Paris glisse sur cette surface agitée avec beaucoup de rapidité, parce que le vent continue à nous être d’autant plus favorable que, venant du bon côté, il devient de plus en plus fort.

C’est là ce que l’Ordre appelle les vérités éternelles.

C’est ainsi que l’on fait bonne route au milieu de toutes les tempêtes du siècle.

Un siècle en général compte cent ans ; les plus grands savants du monde n’ont qu’une opinion là-dessus.

Mais Dieu, voulant éprouver son serviteur Ignace, a réuni toutes les tempêtes du 19e siècle le 20 janvier dernier sur la route de la Ville de Paris.

Cependant, Monseigneur faisait bonne route au milieu de tout cela, ce dont l’Éternel fut tout de même désappointé, d’autant plus qu’il y avait à bord une trentaine de libres-penseurs qui profitèrent de l’occasion.

Le capitaine n’y comprenait plus rien et se rappelait, non sans effroi, que, dans un voyage tout récent, le Péreire passant également à travers les tempêtes du siècle, avait failli sombrer, quoiqu’il eût un père jésuite à bord.

Le 29, nous avons une belle journée, pour fêter le bon saint François de Sales.

S’il n’y avait pas eu un saint François de Sales ce jour-là, il n’y aurait pas eu de 29 janvier.

dont la douceur nous méritait, sans doute, la grâce de respirer.

Si François de Sales, qui, pour prix de sa canonisation, a reçu de Dieu la mission de souffler dans les poumons épiscopaux, avait été comme M. Giban, Mgr étouffait.

pour nous préparer au revers du lendemain, 30 janvier, qui s’annonça par un grand vent contraire, de la pluie et des brouillards.

Le 30 janvier était le jour de la sainte Marguerite ; comment se fait-il qu’il y ait des vents contraires un jour de saint ? elle soufflait donc à l’envers, sainte Marguerite ?…

Mais comme c’était un samedi, ce mauvais temps ne pouvait dans les calculs