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sont passés au Saguenay et à la Baie Saint-Paul ; je n’osais à cause de mon inexpérience littéraire ; mais en entendant dire que vous revisiez et corrigiez les communications qui vous étaient faites, je me suis décidé à vous écrire. Voici les faits.

« Le premier s’est passé à Chicoutimi, C’était dans une élection chaudement disputée entre l’hon. D. E. Price et John Kane, le premier protestant Anglais, le second Irlandais catholique, tous deux conservateurs et d’égale capacité et éducation. Pendant quatre ou cinq semaines, le curé travailla de toutes ses forces en chaire et privément contre D. E. Price, lorsque tout à coup le voilà complètement tourné. Autant il avait parlé contre ce dernier, autant il parla en sa faveur.

« On se demande la cause de ce changement subit, on s’informe, on apprend d’un serviteur du curé que M. Price était allé lui faire visite, et lui avait fait présent d’un cheval tout attelé que le curé avait admiré et qui en effet était magnifique.

« L’autre fait m’a été raconté à Hébertville et est plus récent. Il s’est passé le jour de Noël, messe de minuit. M. le curé de Saint-Jérôme avait organisé un corps de musique pour fêter avec plus de bruit la naissance du sauveur, et comme dans ces régions reculées, les instruments choisis sont rares, il fut obligé de se contenter d’une vingtaine de violons et de quelques flûtes. Les musiciens s’exercèrent pendant cinq à six semaines, lorsqu’enfin, la messe de minuit arrivée, ils s’en vont chacun prendre leur place. Le curé les arrête l’un après l’autre et leur demande si leurs violons avaient déjà fait danser ; sur réponse affirmative de chacun d’eux, il les renvoie, leur disant qu’il ne voulait point que des violons qui avaient porté scandale servissent dans un lieu saint. (Il renvoya les violons et garda les musiciens à l’église.)

« L’automne dernier, à la Baie Saint-Paul, le curé qui guette tous les dimanches et la moitié de la semaine, achetait de l’avoine pour un M. Belleau de Québec, à raison de 6 sous de commission par minot. Un marchand du même lieu, qui avait un contrat à remplir, en achetait aussi — cela entraîna une certaine concurrence. Le curé d’une paroisse voisine, en apprenant cela, annonce à ses ouailles (sans ménagement pour le marchand) cette concurrence qu’il qualifie d’ignominieuse, faite par un marchand à un membre du clergé, et ajoute qu’il espère bien que les habitants de Saint-Urbain préféreront vendre leur avoine au pauvre prêtre, (qui retire 3,000 minots de dîme), plutôt qu’au marchand, car, ajoute t-il, en encourageant un ministre du Seigneur, ils pourront être persuadés que Dieu le leur rendra, soit à eux, soit à leurs enfants en bénédictions.

« Le même prêtre racontait dans le même sermon qu’un homme des environs de Montréal, qui avait l’habitude de travailler quelquefois le dimanche, malgré la défense expresse et personnelle faite par son curé, s’étant rendu un jour de fête dans son champ avec ses animaux