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L’évêque de St Hyacinthe a changé de domicile afin d’en avoir deux. L’un, celui de St-Hyacinthe, est pour recevoir les visiteurs ; l’autre (Belœil) est pour ne pas les recevoir.

« Il faut espérer, dit le secrétaire de l’évêque, M. Moreau, que, Dieu aidant, cet ordre de choses amené par la nécessité ne sera pas de longue durée. Il n’est pas permis de douter que tel est le vœu unanime de toute la population du diocèse. »

Je connais bien des gens qui voudraient se trouver dans la dure nécessité d’avoir deux domiciles. D’autres, et des plus exigeants, se contentent d’en avoir un seul. Mais un évêque ne saurait être heureux, paraît-il, sans en avoir une dizaine.

Quant au vœu… il est bien certain que, s’il était unanime, il était de toute la population. Il n’est pas permis de faire un pléonasme, même à un prêtre.

Être au-dessus des lois de son pays ne veut pas dire qu’on est au-dessus de la grammaire.

Ce vœu unanime a laissé échapper une excellente occasion de se manifester ; c’était au départ de l’évêque de sa ville épiscopale. Il n’en a rien été. Il faut croire que M. Moreau ne s’était pas encore imaginé représenter à lui seul tout un diocèse.

Je me rappelle un autre évêque qui, forcé aussi lui, de quitter son siège métropolitain, vit la foule gémissante, remplissant l’air de lamentations, se précipiter sur son chemin, et lui faire une escorte comme jamais triomphateur n’en vit à sa suite.

C’était Jean Chrysostôme, banni de Constantinople par l’impératrice Eudoxie.

C’est aller chercher un peu loin, si l’on veut. Mais je ne saurais mieux faire que de comparer les prélats d’aujourd’hui à ceux de la primitive Église qui ne se faisaient point appeler sa grandeur, qui n’étaient pas toujours les humbles serviteurs de César, mais qui avaient des vertus modestes, sans se soucier du nombre de leurs domiciles.