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« Père éternel, je vous offre le sang très-précieux de J-C en expiation de mes péchés et pour les besoins de la sainte Église. »

J’ai toujours trouvé très-commode cette façon d’expier ses péchés en offrant le sang d’un autre,. C’est même si commode que j’ai envie d’offrir celui de l’évêque Bourget ; ce sera un sacrifice d’autant plus agréable au Seigneur qu’il m’est plus cher.

Si c’est un besoin de la sainte Église que j’immole monseigneur Ignace, Dieu de bonté, j’y consens.

« Treize mille trois cents jours d’indulgence chaque fois, deux indulgences plénières une fois le mois aux conditions ordinaires. »

Les conditions ordinaires sont qu’on ne cessera pas d’être idiot un instant dans tout le cours de sa vie.


VARIÉTÉS

Si vous aimez à entendre causer morue salée et hareng saur, allez à Fécamp. Dix fois sur onze la conversation des habitants roule sur ce sujet intéressant. Mais Fécamp a plus d’une corde à sa lyre, et quand on a parlé morue, on se recueille pour dire au voyageur l’histoire du gant imbibé du précieux sang de Notre-Seigneur, et que l’église de la Trinité, reste de la célèbre abbaye de cette ville, a pu conserver intact après tant de bouleversements accomplis.

Ah ! ce n’est pas la moins merveilleuse des légendes que celle là, et j’entends encore la voix convaincue de l’honnête pèlerin qui me la conta.

— Nous devons, me dit-il, le précieux sang qui fait la fortune de l’église de la Trinité à un disciple de Jésus, nommé Joseph d’Arimathie, et dont vous avez sans doute entendu parler.

— Je ne connais que lui.

— Eh bien ! Joseph d’Arimathie, qui portait des gants, eut la bonne pensée d’en imprégner un du sang de notre divin rédempteur. Naturellement il conserva précieusement cette relique sacrée. Mais se sentant sur le point de mourir, il la légua à son neveu Isaac. Isaac, quoique juif, avait des sentiments chrétiens. Il conserva le gant de son oncle, et pour le soustraire aux Romains qui le recherchaient avec rage, il l’enferma dans une boîte de plomb. Ensuite il alla placer cette boîte dans le tronc d’un figuier. Puis il abattit l’arbre et le poussa à la mer. Les vents et le courant portèrent jusque sur la côte de Fécamp cette souche bénie et le gant fut ainsi sauvé et rendu à la dévotion des chrétiens.

— Mais comment sut-on que c’était là le gant de Joseph d’Arimathie, et même que ce gant existait ?

— Par un miracle, monsieur.

— Vous m’en direz tant !