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Dès 1843, il y avait ainsi plusieurs centaines de familles établies dans le Saguenay, sans posséder aucun titre de propriété. La plupart de ces colons n’avaient le moyen d’acheter ni chevaux, ni vaches, ni bœufs. Ceux qui ne trouvaient pas d’ouvrage dans les chantiers de M. Price défrichaient et semaient sans autres instruments que la hache et la pioche, et, cependant, il arriva que plusieurs de ces défrichements furent considérables.

Quant aux autres colons qui travaillaient aux chantiers, ils n’avaient que de courts intervalles à donner à la culture de leurs terres. L’hiver, ils transportaient eux-mêmes dans des traîneaux leur bois de chauffage et leurs provisions. Ils n’avaient ni chemins ni communications d’aucune espèce, si ce n’est par la rivière Saguenay, durant les mois d’été seulement. Ils vécurent ainsi isolés pendant de longues années, sans protection ni assistance de la part du gouvernement, obligés d’endurer toutes les privations et n’ayant jamais guère d’autre perspective que la misère. Le travail des chantiers les occupait pendant tout l’hiver et se prolongeait jusqu’à la descente des billots qui n’avait lieu qu’à la fin de mai ou au commencement de juin, quelquefois même plus tard, de sorte qu’ils ne pouvaient labourer ni ensemencer leurs terres que lorsque la saison était déjà fort avancée, et, naturellement, le grain semé à cette époque, ne venant pas à maturité avant les gelées de