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Du haut du plateau qu’il vient de gravir, le voyageur verra les rivages de Sainte-Anne et de Saint-Fulgence incessamment rongés par la rivière et d’énormes blocs de pierre, arrachés, enlevés de la crête et du flanc des montagnes, et qui ont roulé jusqu’à leur base, sur les bords du Saguenay. À droite, à gauche et en arrière de lui, il contemplera avec étonnement ces capricieuses et colossales ondulations du sol qui, depuis le Portage des Roches jusqu’à Chicoutimi ou jusqu’à la Grande Baie, atteignent des proportions gigantesques, semblables à d’immenses raz de marée d’alluvion qui auraient été précipités et retenus là dans un effroyable désordre. Plus loin, en arrière, son œil pourra apercevoir les magnifiques terres du Grand Brûlé, les champs dorés de blé et d’avoine sur lesquels se balancent mollement les longues tiges qui portent les épis nourriciers. C’est là que s’étalent les vastes fermes de M. Gauthier, les plus riches de toute cette région, et qui ont fait de leur propriétaire comme une espèce de potentat agricole qui dispose à son gré du prix des produits. Que le voyageur continue, qu’il traverse cette région fertile entre toutes, et bientôt il arrivera au Portage des Roches où commence une campagne tout à fait différente, aride, rachitique, qui porte les traces lamentables des anciens incendies, et où la pousse nouvelle des bouleaux et des trembles lutte avec effort contre l’aspect désolé des innombrables troncs