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Le rivage tout entier au nord et à l’est du lac Saint-Jean, depuis la Péribonca jusqu’à la Belle Rivière, n’est autre chose qu’une large tunique de sable qui baigne sa frange mouvante dans les eaux du lac, mais qui s’affermit et se durcit à mesure qu’elle gagne la ceinture des rochers qui constitue le rivage réel, de telle sorte que le pied du passant y laisse à peine une faible empreinte, et qu’on y marche comme sur un vaste boulevard d’asphalte jaune et blanche qui n’a pas moins de quatre à cinq cents pieds de largeur et une longueur de huit à dix lieues, rarement interrompue par quelque pointe de rocher ou par quelques touffes d’arbres et de saules qui s’avancent jusque dans le lac.

En arrière, c’est la forêt où poussent en abondance le cyprès, le bouleau, l’épinette, le sapin et le tremble, et dont le sol se couvre de bleuets, de thé sauvage, de quelques rares bouquets de fleurs modestes et de petits arbrisseaux portant toute espèce de baies dont les ours font leur nourriture ordinaire.[1]

C’est là la plus belle partie du Lac. La nature y apparaît dans toute sa virginité, et elle est loin d’avoir le caractère âpre et souvent farouche des pays montagneux ; au contraire elle offre une physionomie pleine de douceur et de charme où les grands traits,

  1. Les ours sont extrêmement nombreux dans la région du Lac. Ils viennent au bord des rivières manger les baies blanches ou rouges qui poussent sur les arbrisseaux, ainsi que le cormier. Le soir, on les guette et on les tue. Ils sont du reste très-faciles à effrayer et se sauvent généralement devant l’homme, à moins qu’ils ne soient attaqués ou ne défendent leurs petits.