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Le chemin de fer

forcés et de toute cette gêne soi-disant sans façon, qui ont rendu nos stations d’eau à peu près insupportables. Mais on n’y verra pas de chasseurs. Chose étrange ! Dans cette région, qui s’étend jusqu’au lac Bouchette, quinze milles en deçà du lac Saint-Jean, il y a en quantité des fauves, des caribous, des martes, des visons… ; mais on n’y voit jamais un seul gibier à plumes, on n’y trouve ni une fleur ni un fruit sauvages ; en revanche, les corbeaux, les pique-bois, les moineaux et les « meat-birds » y sont nombreux, surtout ceux-ci, espèce d’oiseaux gros comme des grives, engeance gloutonne, qui se tient toujours dans le voisinage des chantiers pour dévorer les rebuts de viande qu’on y jette.

XIV


Nous allons parcourir assez prestement, à travers l’île, les dix à douze milles qui nous séparent de l’extrémité inférieure du lac Édouard, puis nous côtoierons le lac lui-même jusqu’au bout de la ligne, tout en le perdant souvent de vue, mais en y revenant aussitôt, tant les courbes, nombreuses et brusques, le dérobent et le laissent apercevoir tour à tour par échappées, et multiplient en quelques instants les aspects indéfiniment variés du paysage. Nous allons traverser encore trois fois la Batiscan : elle est sortie toute petite du lac, comme un ruisseau timide, fuyant à travers les arbrisseaux nains, les gros cailloux, les troncs