Page:Buies - Lettres sur le Canada, étude sociale, vol 1, 1864.djvu/16

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
20


triomphes qu’obtenaient les libertés populaires. C’était une grande famille dont le clergé était l’âme, les hommes politiques l’instrument, et le peuple l’appui. Aujourd’hui, le clergé, les hommes d’état, et le peuple sont séparés ; le premier veut dominer tous les autres, ceux-là le servent par ambition, et celui-ci, privé de ses guides désintéressés, se laisse aller au courant sans savoir où il le conduira.

« Ce fut un jour malheureux où le clergé se sépara des citoyens ; il avait une belle mission à remplir, il la rejeta ; il pouvait éclairer les hommes, il préféra les obscurcir ; il pouvait montrer par le progrès la route à l’indépendance, il aima mieux sacrifier aux idoles de la terre, et immoler le peuple à l’appui que lui donnerait la politique des conquérants. Il y a à peu près un demi siècle, l’évêque Plessis demandait uniquement à la métropole qu’on voulût bien garantir le maintien de la foi catholique en Canada. Dès qu’il l’eût obtenu, et que l’Angleterre vit tous les moyens qu’elle pourrait tirer pour sa domination du prestige que le clergé exerçait sur les masses, le Canada fut perdu. Les prêtres ne demandaient qu’une chose, la religion catholique, et ils abandonnaient tout le reste. Dès lors, ils se joignirent à nos conquérants et poursuivirent de concert avec eux la même œuvre. Ils intervinrent dans la politique, et crurent bien faire en y apportant les maximes de la théocratie ; ils n’y virent qu’une chose, l’obéissance passive ; ils n’y recommandèrent qu’une vertu, la loyauté absolue envers l’autorité, c’est-à-dire, envers la nation qui nous persécutait depuis 50 ans. Ils abjurèrent toute aspiration nationale, et ne se vouèrent plus qu’à un seul but auquel ils firent travailler le peuple, la consolidation et l’empire de leur ordre.

« Tout ce qui pouvait indiquer un symptôme d’indépendance, un soupçon de libéralisme, leur devint dès lors antipathique et odieux ; et plus tard, au nom de cette sujétion honteuse qu’ils recommandaient comme un devoir, ils anathémathisaient les patriotes de « 37, » pendant que nos tyrans les immolaient sur les échafauds.

« En tout temps, ils se sont chargés de l’éducation, et l’ont dirigée vers ce seul but, le maintien de leur puissance, c’est-à-dire, l’éternelle domination de l’Angleterre.

« En voulez-vous des preuves ? ils n’admettent dans l’enseignement que des livres prescrits par eux, recommandés par leur ordre, c’est-à-dire qu’ils n’enseignent à la jeunesse rien en dehors d’un certain ordre d’idées impropre au développement de l’esprit. Tous les divers aspects des choses sont mis de côté ; l’examen approfondi, les indépendantes recherches de la raison qui veut s’éclairer sont condamnés sévèrement. On ne vous rendra pas compte des questions, on vous dira de penser de telle manière,