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III

Avant d’exposer à vos yeux le désolant tableau de la chûte du libéralisme en Canada, je désire faire un retour sur un passé encore récent, et citer un fait, un seul, pour indiquer l’état des esprits, le degré de civilisation du peuple, l’hypocrisie sans ménagement de ceux qui l’exploitaient à leur profit.

C’était en 1856. Il s’agissait de réformer l’éducation sectairienne exclusiviste qui, dès l’âge le plus tendre, pénétrait les enfants des haines de race et de religion. Les écoles étaient séparées en deux camps, les unes protestantes, les autres catholiques ; et quoique le gouvernement les subventionnât toutes, il naissait de ce système un grand nombre de désordres, d’injustices, et de plaintes envenimées, tous les jours, par les luttes de partis. Ainsi, les catholiques du Haut-Canada, qui étaient en minorité, se plaignaient que leurs écoles ne recevaient pas tous les fonds qui leur étaient votés par les chambres ; et ceux du Bas-Canada, qui y dépassaient de beaucoup le nombre des protestants, réclamaient sans cesse contre le montant trop élevé des subventions accordées à ceux-ci. Cette anomalie, outre son caractère d’intolérance sans but, amenait souvent des collisions violentes toutes les fois qu’était soulevée la question d’éducation, tandis que les enfants, de leur côté, n’avaient rien de plus pressé, en sortant des écoles, que de s’attaquer par troupes dans les rues, aux cris de protestants et de catholiques, et de s’écharper avec bonheur, pour recommencer le lendemain.

Afin de faire cesser ce déplorable état de choses, et rendre à l’éducation sa mission véritable qui est de former à l’amour de la patrie, au sentiment des choses utiles et grandes, au développement libre de l’intelligence, Joseph Papin présenta au parlement, le 5 mai 1856, une résolution dont voici la teneur :

1.o « Il convient d’établir dans toute la Province un système général et uniforme d’éducation élémentaire, gratuite, et maintenue entièrement aux frais de l’État, au moyen d’un fonds spécial créé à cet effet.

2.o Pour faire fonctionner ce système d’une manière juste et avantageuse, il est nécessaire que toutes les écoles soient ouvertes indistinctement à tous les enfants en âge de les fréquenter, sans qu’aucun d’eux soit exposé, par la nature de l’enseignement qui y sera donné, à voir ses croyances religieuses violentées ou froissées en aucune manière. »


    électorale. Il mourut dans tout l’éclat de sa carrière politique le 1er novembre 1866. Le succès d’un grand nombre de réformes lui revient de droit. Plus que tout autre, il sut pénétrer le peuple de la connaissance de ses droits, et de son importance sous un gouvernement représentatif.