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le temps fût loin d’expirer encore ; édifice dont les murs jaunis, chassieux, suintent une décrépitude morose et se fatiguent de leur longue résistance ; dont les fenêtres brisées offrent au vent qui s’y engouffre des ouvertures noires et sinistres ; qui menace de crouler et qui hésite, qui s’affaisse et que son poids retient aux entrailles de la terre, comme un vieux tronc dépouillé, rongé, qu’arrête au-dessus du gouffre le sol où plongent ses racines ; jadis asile des premiers missionnaires de la colonie qui y fondèrent le premier collège canadien, puis converti en caserne pour les soldats anglais, et devenu enfin de nos jours un abri pour quelques familles misérables qui s’y sont réfugiées comme des crabes dans une carcasse et n’en veulent partir qu’avec les débris du vieux collège sur le dos, pourvu qu’il consente à s’écrouler.

Là venaient s’asseoir, il y a plus de deux cents ans, quelques enfants Hurons auxquels on apprenait le catéchisme en même temps qu’aux rares fils de visages pâles qui se trouvaient alors dans la cité naissante. Seul, de tout ce qui fut construit à cette époque au Canada, le collège des Jésuites mérita le nom d’édifice dès le commencement et, seul aussi, il est resté de ce temps, intact, sans avoir été modifié ni agrandi, capable de donner asile à plus de cent familles sous ses longues et sombres voûtes percées de cellules.

Cet édifice aux pieds duquel aujourd’hui s’entassent les immondices et se groupent mille ordures variées, jadis foyer de dévouement et d’instruction reli-