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ses successeurs auront le droit d’augmenter et d’embellir si le cœur leur en dit. Nous avons donc tous été invités par lui, nous les hommes de lettres, bien entendu, les princes de la pensée, à présenter nos œuvres ou celles de nos amis, ou tout ouvrage relatif au Canada fait par un compatriote. Outre que cela nous chatouilla agréablement, nous y trouvons un gage d’immortalité, et nous sommes certains que si des barbares modernes s’emparaient du pays et y brûlaient les bibliothèques publiques, ils épargneraient à coup sûr les ouvrages canadiens. Ainsi, les rayons de la bibliothèque de Spencer Wood vont nous mener droit aux dernières générations qui fouleront notre sol. Quelle longue vengeance nous tirerons alors de nos dédaigneux contemporains !

Maintenant, quittons les bosquets touffus, les pelouses ondoyantes et verdoyantes, les ombrages caressants de Spencer Wood. Il faut en partir quand même, quoiqu’il soit à peine minuit ; mais il y a espoir de retour. Le gouverneur nous laisse aller à regret ; ah ! quel aimable et facile compagnon ! Combien nous avons été à l’aise pendant près de quatre heures et combien cette courtoisie toute amicale, cette affabilité familière, font de bien, aux jeunes surtout qui ont toutes les timidités du génie inconscient ! Allons ! partons sous la voûte sombre du feuillage qui secoue la rosée sur nos têtes et fait frissonner tout un peuple de petites ombres qui s’agitent, se trémoussent et luttent avec les souffles de la nuit ; rendons-nous à la