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RÉMINISCENCES

ressemble à la mer, en a toute la grandeur, la poésie et l’enivrement. Bercé sur ses grandes ondes, Letendre se laisse aller au courant de la vie, aimable, léger, souriant, heureux et vertueux… Il est temps que je m’arrête, je pourrais en dire trop.




Au petit groupe, proprement dit, que je viens d’énumérer, noyau serré et presque indivisible, qui mangeait à la même table et habitait à peu près sous le même toit, se rattachaient étroitement d’autres compagnons, qui ont fait de nous tous depuis lors un faisceau d’amitiés indissolubles, cimentées par une estime mutuelle que rien n’a jamais entamée.

Robidoux se présente le premier dans ces souvenirs déjà si lointains pour nous qui doublons aujourd’hui, avec une bonne grâce un peu forcée, le cap de la cinquantaine.

Robidoux ne fréquentait pas assidûment le cénacle ; mais nous le retrouvions souvent dans nos réunions intimes, où il se plaisait avant tout à rappeler et à citer les écrivains en renom du jour, dont le tempérament répondait le mieux au sien, ceux qui par un langage plein de ressources étonnantes, par un style merveilleusement adapté à leur objet, faisaient à l’empire de Napoléon iii cette guerre de plume, si dangereuse qu’il eût suffi d’un mot pour entraîner la prison, et qui, cependant,