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un voyage

venirs amoureux qui ornaient encore sa gloire. Pour les dévots qui venaient implorer cette grâce de le voir seulement ; pour les proches, tenus si loin par le respect, il semblait dominer les misères, les luttes, l’émotion même, du haut de son intangible sérénité. Ainsi, lorsqu’on y entre d’abord, sa maison, devenue musée, paraît calme et d’une froideur absolue. Les choses ont leurs masques, comme les âmes…

Du reste, tout n’est pas musée dans cette demeure. Après l’arrangement artificiel de la chambre où Gœthe recevait le grand-duc, de celle où sa femme Christiane Vulpius, rendit à Dieu une petite âme simplette, de la pièce ouverte sur le jardin et où il aimait à lire, on arrive au cabinet de travail.

Là, tout reste si vivant, le passé si actuel, qu’on voudrait parler bas, et mieux, se taire. Les meubles sont étriqués, secs. Des branches rapprochées verdissent la lumière des deux fenêtres étroites. Voici son fauteuil, ses livres. Sur le haut bureau où il écrivait debout, on a conservé dans une assiette un peu de terre qu’il prit lui-même au jardin quelques jours avant de mourir, pour faire une expérience scientifique. On vous montre un petit buste de Napoléon qu’Eckermann lui rapporta une fois de Strasbourg. Il n’y a aucun bruit dans la pièce, il fait obscur. L’austérité du lieu donne une inexprimable sensation de grandeur. Ici, il échappait !

Une porte est ouverte, barrée d’une grosse corde. On ne peut entrer. Seulement on vient au seuil, on regarde : Gœthe mourut là…